« Comment peut-on être européen » se demande Projet (1), la revue des jésuites du Centre de Recherche et d’Action Sociales. Pour Bernard Cassaigne, l’appartenance à une communauté de destin ne s’oppose pas à la citoyenneté nationale, elle la conforte dans la recherche d’une citoyenneté européenne dont la dimension sociale ne devrait pas être ignorée. C’est bien la question majeure adressée aux politiques par la société française non seulement lors des dernières élections mais également par les récentes eurogrèves et euromanifestations. La direction de Renault a relancé, bien malgré elle, le débat sur l’Europe sociale, remarque Jean Lapeyre, secrétaire général adjoint de la Confédération européenne des syndicats. Et d’assigner trois objectifs syndicaux à l’Europe : l’emploi, les droits sociaux fondamentaux et la démocratisation. Pour l’Espagne, répond Felipe Gonzalez, le projet européen est celui d’un effort de modernisation socioéconomique mais ses compatriotes ne sont pas loin de se demander si les sacrifices économiques consentis valent certaines promesses sociales qui ne furent pas toujours tenues, et l’ex-chef de gouvernement aurait été bienvenu sur ce plan de ne pas se contenter d’un simple plaidoyer pro domo. Sans nul doute l’intégration de l’Espagne à l’Europe constitue une ouverture en direction du Maghreb et du monde latino-américain comme l’affirme le secrétaire général du PSOE, encore faudrait-il qu’un projet commun de politique extérieure vienne concrétiser de telles potentialités. Et que ce projet politique n’ait pas comme objectif de jeter aux orties l’impératif de solidarité, à la première occasion venue, s’inquiètent Jean-Claude Lavigne et Bernard Lestienne à propos des relations privilégiées entre l’Union européenne et les pays ACP dont le terme de la convention de Lomé prévu en février 2000 laisse augurer une renégociation douloureuse dans le contexte global mais surtout furieusement libre-échangiste de l’OMC.

« L'Europe politique » (2), c’est l’objet de la synthèse publiée par Guillaume Courty et Guillaume Devin sur les stratégies des Etats, la dynamique des institutions, l’expression des politiques communautaires et du droit européen, ainsi que l’organisation des groupes d’intérêt au sein de l’Union. Rédiges par deux universitaires enseignants en sciences politiques, l’ouvrage se veut d’abord un outil pédagogique conçu pour appréhender la dynamique du processus politique inachevée que constitue la construction européenne. Les repères bibliographiques proposés pour chacun des chapitres font de cet ouvrage un véritable manuel de référence.

Ce processus de construction européenne s’appuie sur l’efficacité de la méthode démocratique choisie comme moyen de régulation sociale et politique par les sociétés occidentales en cette fin de siècle. Mais au sein de l’espace géopolitique européen, cette loi de la majorité ne peut, au risque de crises graves comme en ex-Yougoslavie, ignorer l’expression des minorités. C’est à une réflexion sur les concepts de démocratie locale et de minorités que nous convient les numéros spéciaux « Via Europa » (3) de la revue Diagonales Est-Ouest, édités en six langues avec le soutien, entre autres, de la Fondation Jean Jaurès et du Conseil de l’Europe. Une fois de plus, cette revue, par l’originalité des perspectives ouvertes, prouve s’il en était encore besoin qu’elle n’usurpe point son titre.

(1) « Comment peut-on être européen, choisir l'Europe, des leviers pour l’Union ». Projet n° 250, 14 rue d’Assas, 75006 Paris. Juin 1997, 65 francs.

(2) « L'Europe politique », Guillaume Courty et Guillaume Devin. La Découverte.1996, 127 pages.

(3) « Minorités et minoritaires dans une Europe incertaine... », « Démocratie et paroles citoyennes ». Diagonales Est-Ouest, 8 rue Fernand Rey, 69001 Lyon. 104 pages, 50 francs.