Dans le contexte de la guerre froide, jusqu’aux années quatre-vingt, l’imagerie satellitaire est restée l’apanage des services de renseignement des Etats-Unis ou de l’URSS, la technologie de l’observation spatiale demeurant sous l’emprise exclusive des militaires.

Depuis, l’accès aux images prises par les satellites s’est progressivement libéralisé, sans pour autant constituer un marché de masse. L’acquisition et l’interprétation de ces images dans un cadre commercial constituent désormais une pratique courante pour les instituts de recherche, les agences gouvernementales ouvertes, voire pour certaines organisations non gouvernementales ou certains médias.

Cependant, l’amélioration des performances techniques, avec des résolutions de l’ordre du mètre, est perçue par certains Etats comme une menace potentielle pour leur sécurité. Les Etats-Unis, par leur implication dans le développement de cette technologie d’une part et d’autre part en raison de leur rôle dominant dans la conduite des affaires internationales, doivent faire face à un dilemme : comment concilier les impératifs de sécurité avec une stratégie industrielle et commerciale visant à conserver leur leadership dans ce domaine ?

L’ouvrage de Laurence Nardon, chercheuse associée au Centre français sur les Etats-Unis de l’Institut français des relations internationales, nous présente les éléments de ce dilemme : d’une part les risques liés à la commercialisation des images haute résolution (moins d’une dizaine de mètres), d’autre part les conditions de décollage du marché commercial de l’imagerie satellitaire. Vient ensuite un aperçu des options du gouvernement américain pour contrôler la diffusion des images satellites.

Les risques encourus par les Etats, du fait de la plus large accessibilité à l’imagerie satellitaire, restant largement virtuels, la crédibilité d’une menace d’ordre militaire reste vague. Les difficultés auxquelles sont confrontés médias et ONG dans l’interprétation des images satellitaires invite à analyser avec plus de circonspection l’impact de l’information sur la maîtrise des événements internationaux. Le marché de l’imagerie satellitaire continue à reposer sur une clientèle institutionnelle et le développement d’un marché de masse est conditionné par l’apparition de produits dérivés riches en informations stratégiques mais simples à utiliser pour répondre aux besoins des opérateurs privés.

Les Etats-Unis ont déployé une panoplie de mesures, certaines contractuelles (commande massive d’imagerie aux entreprises américaines), d’autres coercitives (interruption de l’activité du satellite) pour répondre à l’ensemble des menaces identifiées, mais ces mesures font l’objet de nombreuses critiques. Pour la Maison Blanche, le principe d’un renforcement des moyens militaires spatiaux semble déjà acquis, avec des efforts concentrés sur les armes antisatellites. Une affaire à suivre...