Personne ne conteste aujourd'hui le succès commercial des ERP (Enterprise Ressource Planning), ces progiciels d'entreprise qui se répandent un peu partout sur le marché.

Si le fonds de commerce des éditeurs de ces progiciels intégrés a d'abord été celui des entreprises de production, du secteur industriel, le secteur tertiaire, administratif et financier, le monde de la gestion, n'échappent plus à la montée en puissance de ces solutions.

Comment expliquer un tel succès, une prise de parts de marché aussi importante dans le domaine de l'informatique ?

Les raisons du succès

Les avantages le plus souvent mis en avant de ces progiciels d'entreprise sont :

  • une meilleure visibilité des process, des coûts et profits par unité, ligne de produit, la qualité du «reporting»,
  • la mutualisation par un éditeur, de solutions normalisées d'automatisation des fonctions de gestion, facteur de réduction des coûts et budgets informatiques,
  • la capacité de paramétrage de ces outils, jusqu'au niveau des règles de gestion propres à l'entreprise.

La logique économique de réduction des coûts et délais de fabrication et de maintenance des applications informatiques a souvent prévalu et trouvé un écho favorable auprès des décideurs. Force est de constater que le problème de ces coûts et délais de fabrication, de maintenance des applications, de la qualité de celles-ci, de la réactivité des systèmes d'information automatisés face aux changements d'environnement, de réglementation, d'organisation reste une préoccupation majeure. La faible prise en compte des systèmes de «reporting» dans les périmètres d'automatisation, l'absence de réutilisation de composants informatiques et la refabrication permanente de solutions d'automatisation sont autant de préoccupations qui ont conduit nombre de décideurs à s'orienter vers différentes solutions :

  • couverture progicielle des besoins de gestion, intégration d'un ERP,
  • recherche de synergies de moyens, de mutualisation des coûts, au travers de GIE de moyens informatiques ou en externalisant l'informatique (Facilities Management) .

L'approche par les coûts a structuré les choix d'organisation, d'automatisation.

Le succès des ERP doit-il alors être interprété comme une réponse adaptée, pertinente, universelle à ces problèmes récurrents ?

Les limites de l'épure

D'un point de vue strictement financier, à court terme, nous serions tentés de répondre par l'affirmative. La réalité est plus complexe. Elargissons notre point de vue !

Aux critères financiers, de maîtrise des coûts et délais, il convient d'ajouter :

  • les critères de compétitivité, de performance des processus, de différenciation des offres de services,
  • le critère de dépendance vis-à-vis d'un éditeur ou d'un intégrateur,
  • le critère de la charge de réalisation des interfaces nécessaires avec les autres systèmes de gestion du paramétrage, souvent fastidieux, de ces outils,
  • le critère des effets structurants sur l'organisation du travail, l'emploi, les effectifs et des difficultés d'intégration de ces solutions dans l'univers de travail des opérationnels.

De cuisants échecs sont là pour rappeler les limites de ces solutions de « prêt-à-porter » .

Lorsque le progiciel couvre des fonctions de gestion normalisées, réglementées, n'ayant pas de caractère stratégique, non directement au cœur des métiers exercés par l'entreprise, les ERP peuvent apporter des solutions adaptées. Lorsqu'il s'agit des processus au cœur de la stratégie des entreprises, la déclinaison d'une stratégie d'entreprise sur son système d'information, son organisation mérite d'explorer d'autres voies, une approche différenciée.

L'informatique, machine-outil du secteur tertiaire, peut aussi être un vecteur de compétitivité, de différenciation, de performance. Encore faut-il que les coûts de mise en œuvre et de maintenance soient maîtrisés, que les délais de réponse aux besoins d'automatisation, aux changements de toutes natures satisfassent aux diverses contraintes opérationnelles. La performance des processus nécessite une approche plus large que celle des outils, de l'instrumentation. Les choix d'organisation, de pilotage des activités, les modalités de mise en œuvre de la boucle « stratégie-action » sont autant de leviers de la performance globale. Une approche purement instrumentale avec une machine-outil banalisée n'apportera jamais une réponse universelle dans un environnement fortement concurrentiel, marqué par la nécessité de se différencier sur le marché, de spécialiser son offre de services, ses produits, de réaliser du « sur mesure » .

Au-delà des ERP, la maîtrise du développement

Les technologies émergentes dans le domaine de l'informatique, la refonte en profondeur des processus de fabrication d'applications, une approche industrielle de fabrication et de maintenance à base de composants assemblables, réutilisables sont également des réponses pertinentes aux vrais problèmes posés, aux défis en question.

A côté des solutions de type ERP qui ont prévalu ces dernières années, ne convient-il pas aujourd'hui d'explorer d'autres voies, garantissant une meilleure visibilité et donc une meilleure maîtrise de son patrimoine applicatif, une souplesse de personnalisation des procédures automatisées, autant de leviers de la compétitivité, de l'accroissement de la valeur ?

Après la pensée unique dans les domaines politique et économique, l'informatique subira-t-elle le même sort ? Il existe fort heureusement aujourd'hui d'autres solutions moins radicales, porteuses d'avenir.