Ce bilan très complet de l’état des relations sociales et professionnelles en France a été conçu à partir de la précieuse enquête REPONSE réalisée par la DARES en trois vagues successives dont la première commence en 1992. L’originalité de ce travail est de faire appel à des experts issus aussi bien de la recherche académique qu’à ceux du ministère du Travail – croiser les expertises étant de bonne méthode quand on embrasse un champ aussi vaste et complexe que les relations sociales. De la même façon, les enquêtes REPONSE croisent les points de vue en interrogeant dans chaque établissement un représentant de la direction, un représentant du personnel (lorsqu’il y en a) et quelques salariés.

À l’heure de la réforme de la représentativité, ce bilan offre un moyen de mieux mesurer l’implantation des organisations syndicales dans les entreprises et de faire apparaître quelques résultats significatifs. Les auteurs pointent notamment le fait que la conflictualité au travail ne peut plus être mesurée exclusivement d’après le nombre des journées individuelles non travaillées, mais comme l’avaient déjà pointé Guy Groux et Jean-Marie Pernot dans leur ouvrage sur La Grève (Presses de Sciences Po, 2008), de nouvelles pratiques comme le refus d’heures supplémentaires ou la pétition signale de nouveaux modes de conflictualité.

Après un passage en revue des modes de représentation du personnel qui, au vu des réformes en cours, perdra sans doute rapidement de son actualité, les deux dernières parties de l’ouvrage s’attachent à des questions économiques : l’organisation du travail tout d’abord, en pointant notamment les limites de la gestion par les compétences et en montrant que dans les grands groupes mais aussi à l’échelle du bassin d’emploi la gestion de l’emploi est de plus en plus conçue dans un cadre qui dépasse les frontières de l’entreprise ; l’évolution des politiques de rémunération ensuite, en montrant la complexité des pratiques et l’impact somme toute limité du modèle de la rémunération « incitative ».

Au total, c’est un portrait assez nuancé qui ressort de ces 450 pages, suggérant en conclusion que le néo-taylorisme n’est pas mort et que l’évolution vers une économie de service ne remet pas en cause les fondamentaux des relations sociales.