Créé en 2002, le dispositif Objectif Cadres a pour objet d’aider des techniciens et des cadres intermédiaires ayant au moins trois ans d’expérience à obtenir un titre d’ingénieur ou un mastère spécialisé. Pour ceux qui s’y essaient, le financement d’Objectif Cadres est essentiel. Bénéficiant chaque année à près de 1800 personnes, ce dispositif contribue à réduire les inégalités dans l’accès à la qualification et s’inscrit ainsi dans la lignée de la Promotion supérieure du travail initiée il y a maintenant près de 60 ans. Il permet aussi de remettre sur les rails des salariés dont certains étaient privés d’emploi et de sécuriser à terme leur parcours professionnel. Il soutient ainsi les objectifs de formation tout au long de la vie et de développement des qualifications supérieures inscrits dans la stratégie de Lisbonne.

Socialement utile et économiquement efficace, Objectif Cadres représente 6,7 millions d’euros, qui ont été inscrits dans la dernière loi de finances : les documents budgétaires annoncent, comme depuis 2002, l’entrée de 1800 stagiaires en 2007 dans le dispositif. Mais avant même le vote de la loi, le ministère du Travail écrivait aux préfets de région et aux directeurs régionaux du travail que le dispositif prenait fin au 1er janvier et qu’en conséquence aucune entrée nouvelle n’aurait lieu cette année.

Comment se fier aux engagements de l’Etat quand les objectifs affichés sont mis à mal avant même d’être votés définitivement par le Parlement ? Mais au-delà des artifices et trompe-l’œil budgétaires, la question se pose aussi des fins et des moyens de l’action de l’Etat dans le domaine de la formation. Force est de constater qu’il se prive progressivement de tout moyen de développer des politiques structurelles d’accès à des qualifications supérieures.

Trois raisons au moins devraient inciter le gouvernement à revoir sa copie.

La première est économique. Le dispositif participe d’une politique de l’emploi qui répond aux besoins avérés des entreprises. L’accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003 rappelle l’importance des formations qualifiantes ou diplômantes différées, notamment pour les salariés qui ont arrêté leur formation initiale au niveau du premier cycle de l’enseignement supérieur.

Retenant le principe de financement par le Fongecif, les partenaires sociaux souhaitaient également un abondement financier des pouvoirs publics correspondant au coût moyen d’une année de formation. Le financement apporté par le dispositif Objectif Cadres, dans le cadre d’une concertation régionale des financeurs potentiels, répondait précisément à cet objectif.

Alors que l’efficacité, et partant l’utilité économique de nombres formations sont mises en doute aujourd’hui, Objectif Cadres est un instrument performant, les résultats sont là pour le montrer. Il serait aberrant de casser ce qui marche quand on maintient ce qui ne marche pas.

Seconde raison, alors que chacun constate et déplore la panne de l’ascenseur social, Objectif Cadres est pour ses bénéficiaires l’occasion d’une réelle deuxième chance dans l’accès aux qualifications supérieures. On aimerait savoir ce que le ministère compte proposer aux 1800 salariés et demandeurs d’emploi qui auraient pu bénéficier d’Objectif Cadres en 2007, et en particulier à ceux qui devront renoncer à une formation faute de financement.

L’année 2007 a été déclarée année européenne de l’égalité des chances. Si la France souhaite rester un pays d’héritiers et une société de castes, alors la suppression du dispositif est en effet une très bonne idée.

Troisième raison, enfin, l’Etat doit conserver des capacités d’intervention financière pour soutenir des politiques emploi-formation spécifiques de niveau national.

Il doit le faire en partenariat avec les régions, les branches professionnelles et les entreprises, mais une action au niveau ministériel reste aujourd’hui indispensable, ne serait-ce que pour conserver une visibilité et une capacité à orienter, activer et encourager les politiques de formation. La suppression du dispositif serait un mauvais signal.