L’heure est à la rénovation des relations sociales, dont cet ouvrage destiné à des étudiants offre un portrait juste et bien documenté, dont les syndicalistes pourront faire leur profit : une série d’encadrés rappellent les grands textes de loi qui organisent ce champ, d’autres font le portrait serré des différents acteurs qui l’animent. Sur un sujet que nous connaissons souvent très bien, mais trop de façon parcellaire et informelle, c’est l’occasion de faire le point. L’ouvrage s’apparente à cet égard à un précis.

Outre sa valeur documentaire, il permet de prendre un peu de champ sur la façon dont a été construit et dont fonctionne le système de relations sociales français. Partant d’une interrogation sur les difficultés propres à notre pays en matière de régulation du travail, Antoine Bévort et Annette Jobert ne se contentent pas de rappeler les bases historiques et juridiques de cette construction originale, ils abordent une dimension plus politologique, en travaillant notamment sur l’évolution des conflits et des négociations. C’est un champ en mouvement qu’ils nous présentent, s’efforçant d’en saisir les dynamiques plus que d’en immobiliser le portrait.

On retiendra notamment le constat très net d’un modèle « à bout de souffle », comme l’avait déjà pointé G. Adam au début des années 2000. Le compromis global (entre individuel et collectif, capital et travail, contrat et loi) stabilisé en France à la Libération a vécu, de la même façon que les protections statutaires qui sécurisaient le rapport salarial sont remises en chantier dans tous les pays industrialisés. Les deux sociologues s’essaient alors à décrypter les nouvelles formes de régulation, au niveau européen mais aussi territorial.

Répondant au constat de Thomas Philippon d’une « crise française du travail » (Cf. Cadres CFDT n°428, en mars 2008), ils identifient les points de tension et les pistes d’avenir qui permettraient, au-delà-de telle ou telle loi, de refonder durablement le modèle de relations professionnelles et plus largement le compromis social français. Cela impose de partir des nouvelles formes d’emploi, mais aussi des mutations profondes qui ont affecté et continuent d’affecter les entreprises, avec en particulier les logiques d’externalisation et de sous-traitance, mais aussi la financiarisation. La condition salariale, socle de l’ancien modèle de relations sociales, étant déstabilisée, les voies de la flexicurité appellent à redéfinir la notion de sécurité, tandis que parallèlement les modèles de négociation sont appelés à évoluer, à la fois pour fonder une nouvelle légitimité des acteurs, et avec elle une capacité d’engagement renouvelée, mais aussi pour amener ces les organisations syndicales à mieux prendre en compte les nouveaux publics. Enfin, une redéfinition moins patrimoniale de ce qu’est une entreprise pourrait permettre de faire naître cette promesse non tenue des lois Auroux de 1982, une « démocratie industrielle », qui permettrait de mettre en place de nouvelles règles de gouvernance. À l’heure où la crise financière rebat les cartes et où la refondation de la démocratie sociale est engagée, ce sont des idées qu’il faudra explorer.