La taille ne suffit pas à caractériser les petites entreprises, même si le management du travail, les relations entre les acteurs et les choix d’organisations ne sont pas comparables entre un établissement de plusieurs centaines de salariés et un commerçant. Les TPE sont ancrées dans un territoire, dépassant rarement un périmètre régional. Leur vie quotidienne comme leur histoire est presque toujours associée intimement à l’engagement d’un homme ou d’une femme ou d’un tout petit groupe d’individus, associés ou en famille.

Ce faisant, la situation du dirigeant peut faire écho à celle du manager de proximité : ils ont en commun la nécessité d’avoir l’œil sur tout, les incessants allers-retours entre les partenaires, la comptabilité, les missions et le moral des salariés, entre les injonctions extérieures et la réalité interne, etc. Tout en cherchant à se préserver des marges d’autonomie. Les dirigeants de TPE ont de surcroît ce que l’agriculteur ou l’artisan connaît bien : la liberté du créateur d’entreprise, émancipé de la subordination.

Mais la responsabilité est lourde pour des entités fragiles et focalisées sur l’immédiat. Les attentes à l’égard des petites entreprises semblent démesurées : on leur demande d’innover, de créer des emplois, parfois d’exporter, d’assurer une égalité de traitement entre leurs salariés et ceux des grandes compagnies.

On imagine cependant un monde avec moins de reporting, moins de bureaucratie, moins de formalisme. Un monde du travail sans actionnaires ni - le plus souvent - sans donneurs d’ordre. Un monde où les relations interpersonnelles pèsent plus lourd qu’ailleurs, où l’engagement comme l’erreur professionnelle peuvent être déterminants pour la survie de l’entreprise.

Ce monde interpelle le moule syndical, taillé lui pour les relations professionnelles collectives, les procédures bien calibrées de rapports sociaux entre les représentants des salariés et ceux du patronat, l’harmonie des normes pour que les conditions de travail soient les meilleures possible et pour le plus grand nombre... Comment ce niveau d’exigence sociale est-il possible dans la TPE ?

Si la forme traditionnelle syndicale et celle des relations professionnelles demeurent issues des groupes industriels stables, les petites entreprises, en tant qu’espaces professionnels, n’échappent pas à quelques grandes questions sociales. Les TPE participent à l’animation du marché du travail, elles sont en première ligne dans l’insertion professionnelle - notamment avec l’apprentissage -, elles ont des demandes précises en matière de formation, elles ont le souci de la transmission des savoir-faire, de la coopération, des parcours professionnels, de la protection sociale, de reconnaissance du travail, de sécurité, de travail à distance. Autant d’enjeux qui sont ceux des militants syndicaux.

Ce sont les formes d’action syndicale qui sont ainsi à imaginer : pas de négociation dans sa conception traditionnelle, mais un besoin d’échanges collectifs, de sécurité juridique, de ne pas nier la confrontation entre la logique patronale et celle de l’employé, tout en recherchant une compréhension mutuelle de ce qui fait l’activité, son cadre de travail, la recherche permanente de clients et de carnets de commandes...

Les TPE, par leur rythme et leur environnement, placent le salarié, son travail, les formes d’emploi et l’entreprise elle-même au cœur de l’action syndicale. N’est-ce donc pas plutôt stimulant ?