L’introduction au droit allemand rédigée par le professeur Robbers fait partie d’une grande série de publications consacrées aux divers systèmes juridiques nationaux en Europe. Toutes sont conçues selon une structure communément élaborée par les auteurs des diverses contributions nationales. Le livre consacré au droit allemand se présente comme suit.

L’auteur traite d’abord une tradition juridique marquée comme en France par le droit romain, mais aussi par une « école allemande » apparue en réaction à l’instauration du Code Napoléon dans les territoires de la Confédération du Rhin entre 1806 et 1813. Certes, l’Allemagne s’est dotée elle aussi d’un code civil, le Bürgerliches Gesetzbuch (souvent abrégé en BGB), en 1900. Mais celui-ci porte la marque des réactions au Code Napoléon, ainsi d’ailleurs que des compromis sociaux élaborés dans l’Allemagne bismarckienne.

Cela n’est pas sans conséquences. Le code civil allemand contient, après les dispositions fondamentales communes, le droit des obligations, le droit des biens, le droit de la famille et le droit des successions, mais aussi le droit commercial et le droit des sociétés, le droit de la propriété intellectuelle et le droit du travail. En France, le droit du travail est théoriquement soumis au droit civil, mais il constitue un corpus à part, moins étroitement intégré que c’est le cas dans la tradition allemande.

Outre le Code civil, le droit allemand se construit comme le français sur un ensemble de règles écrites dominées par la Constitution, dont il faut rappeler l’importance dans une Allemagne moderne marquée par le « patriotisme de la constitution », selon la formule de Jürgen Habermas. Mais les règles européennes ont en Allemagne comme en France une place prééminente dans la hiérarchie des normes. Le droit communautaire se situe ainsi en France dans le bloc de supralégalité, c’est-à-dire en-dessous du bloc de constitutionnalité, mais au-dessus des lois et des règlements nationaux. En ce qui concerne l’Allemagne Robbers précise que selon l’opinion juridique généralement admise le droit communautaire prime le droit allemand, même la Constitution. Au droit communautaire « primaire », issu des traités, s’ajoute un abondant droit dérivé : règlements, directives, recommandations, et enfin l’importante jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et du Tribunal de première instance des Communautés européennes.

A côté de ce droit émanant de l’Union européenne, le livre du professeur Robbers évoque à juste titre l’importance croissante du droit public international.

Une plus grande référence à la Convention européenne des droits de l’homme aurait certainement été encore plus bénéfique, et c’est ici que le livre de Jens Meyer-Ladewig peut s’avérer utile.

Droits de l’homme

Il existe certes de nombreuses publications en langue française consacrées à la Convention européenne des droits de l’homme – ce qui s’explique notamment par le fait que les deux langues officielles du Conseil de l’Europe sont le français et l’anglais – mais le commentaire rédigé par Jens Meyer-Ladewig mérite une attention particulière puisqu’il analyse de façon très claire l’importance de la Convention européenne des droits de l’homme pour le droit allemand. Il tient compte de la jurisprudence la plus récente de la Cour européenne des droits de l’homme et analyse longuement l’article 46 de la Convention intitulé « Force obligatoire et exécution des arrêts ». Cet article, en dépit de son importance notamment pour le plaignant, est assez souvent négligé et traité trop brièvement dans les publications relatives à cette Convention ou dans les commentaires qui se réfèrent essentiellement aux droits garantis par la Convention, mais aussi et surtout par la presse quotidienne qui limite généralement ses articles sur la Convention à l’arrêt prononcé par la Cour, sans se préoccuper de l’exécution de l’arrêt par l’état condamné. Or, l’article 46 prévoit, d’une part, que les parties « s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour » et, d’autre part, que l’arrêt définitif « est transmis au Comité des ministres (du Conseil de l’Europe où siègent les représentants des 46 Etats membres de cette organisation intergouvernementale) qui en surveille l’exécution ».

Cette surveillance porte sur le respect des obligations de l’Etat défendeur relatif, le cas échéant, au paiement de la satisfaction équitable, à la prise de mesures individuelles pour faire cesser l’acte illicite s’il se perpétue et en effacer, autant que possible, les conséquences et à la prise de mesures nécessaires pour éviter de nouvelles violations semblables.

Abstraction faite du montant de la satisfaction équitable, d’une manière générale, les arrêts n’énumèrent pas les mesures individuelles ou générales que les Etats doivent prendre. En effet « l’Etat défendeur reste libre, sous le contrôle du Comité des ministres, de choisir les moyens de s’acquitter de son obligation juridique au regard de l’article 46 de la Convention pour autant que ces moyens soient compatibles avec les conclusions contenues dans l’arrêt de la Cour » (Arrêt Scozzari et Giunta c. Italie)

Le livre de M. Meyer-Ladewig a le mérite de traiter cet aspect en relation avec le droit allemand (d’où son intérêt particulier pour le lecteur français) ; il aborde même la question de savoir de quelles sanctions dispose le Comité des ministres en cas de non-respect des arrêts. Le problème fondamental dans ce contexte reste cependant la lenteur de l’exécution des arrêts.

Gerhard Robbers, Einführung in das deutsche Recht. Nomos , Baden-Baden, 2006. 289 pages, 22 euros

Jens Meyer-Ladewig, Europäische Menschenrechtskonvention Handkommentar. Nomos, Baden-Baden, 2006. 494 pages, 79 euros