Aux origines d’une démarche

En août 2000, à Singapour, j’expliquais en ces termes la démarche engagée par le comité mondial :

« Les avancées scientifiques et les nouvelles technologies jouent un rôle croissant dans une économie mondialisée. Elles exercent une influence sans précédent sur la vie au travail, sur notre vie quotidienne. Leurs impacts sur l’organisation du travail, les conditions de travail, l’emploi, l’environnement soulèvent de nombreuses questions, en matière de responsabilité professionnelle, éthique et sociale des acteurs en présence, de ceux qui décident.

Dans un contexte de forte concurrence à l’échelle mondiale, où les intérêts économiques priment le plus souvent sur toutes autres formes d’intérêt, où le pilotage stratégique des entreprises est le plus souvent guidé par le court terme, par des critères financiers, par les coûts, et non par le travail ni les impacts sociaux et sociétaux, la question de la responsabilité des acteurs est plus que jamais posée.

Celle des entreprises, des employeurs, des actionnaires, des gouvernements tout d’abord, car leurs décisions auront des impacts sociaux, sociétaux, et environnementaux : les restructurations, fusions, absorptions avec leur cortège de plans sociaux, de re-localisation du travail, de changement d’organisation du travail ; la privatisation et l’externalisation, aussi, avec leur impact sur les coûts et le droit d’accès aux services pour les consommateurs, les usagers, les citoyens ; et enfin l’introduction mal maîtrisée de nouveaux processus de fabrication, outils de gestion, technologies, avec les risques d’exclusion ou de marginalisation, l’impact sur l’environnement.

La question des critères de décision, celle des critères de choix, des instruments et outils de gestion croisent plus que jamais des questions d’éthique, de responsabilité sociale et sociétale.

Si la responsabilité des grands décideurs est clairement engagée, celle des cadres impliqués dans ces décisions se pose aussi. La mise en œuvre des décisions stratégiques, des changements d’organisation, des procédés de fabrication implique directement les ingénieurs et cadres.

De plus en plus souvent confrontés à ces questions, parfois perplexes face aux décisions, parfois démunis, souvent isolés, ils ont rarement la capacité de s’opposer à une décision, quand bien même elle aurait des effets néfastes sur l’environnement, l’emploi, la santé… Il leur faut encore beaucoup de courage pour rendre publiques les situations qu’ils jugent contraires à l’éthique ou à une déontologie professionnelle. Ceux qui ont le courage de se montrer fidèles à leurs principes sont souvent accusés de trahison envers leur employeur : ils reçoivent des avertissements, subissent une répression ou sont simplement licenciés.

Le mouvement syndical des ingénieurs et cadres ne peut ignorer ces situations. Il se doit d’apporter des protections légales pour protéger les éclaireurs de conscience, ceux qui dénoncent des décisions irresponsables. Le mouvement syndical se doit de sensibiliser les gouvernements, actionnaires et chefs d’entreprise sur ces questions de responsabilité. Il est temps de promouvoir des critères éthiques dans la gestion des entreprises et administrations. »

Au cours de ce congrès, le Comité Mondial des cadres d’UNI a décidé de promouvoir ce Code de responsabilité professionnelle, éthique et sociale destiné aux membres des organisations affiliées.

Le code et son contenu

Que contient-il ? Treize articles, consacrés à la prise en compte des conséquences sociales, environnementales et professionnelles des décisions prises par les entreprises ou par les cadres eux-mêmes. Respect de l’environnement, des droits fondamentaux, des réglementations en vigueur, bonnes pratiques managériales, mais aussi responsabilité individuelle caractérisent ce Code de responsabilité.

Le rôle du syndicalisme

Un point d’étape sur la mise en œuvre de ce code a été réalisé lors des deux dernières assemblées annuelles, en novembre 2001 et d’octobre 2002, à Genève. Les participants ont souligné la nécessité de la personnalisation de ce code au niveau des différentes régions (continents), compte tenu des spécificités et des priorités de chacune d’elles : par exemple, la corruption pour le continent africain, la répression syndicale dans certains pays d’Asie…

Le débat a également porté sur la valorisation et la médiatisation de ce code. De nombreuses entreprises mettent en place de façon unilatérale des chartes éthiques ou de bonnes pratiques sans que les organisations syndicales soient impliquées dans ces processus. De nouvelles normes apparaissent dans le domaine de la responsabilité sociale, environnementale ou sociétale des entreprises, faisant aussi souvent abstraction de l’acteur syndical. Celui-ci se doit de jouer pleinement son rôle pour participer à l’élaboration des normes internationales et à la rédaction de ces chartes de bonnes pratiques. Le Code UNI peut être un support ou une référence, afin par exemple que des clauses spécifiques aux cadres puissent être effectivement prises en compte dans les négociations collectives.

L’acteur syndical doit aussi interpeller les entreprises sur les règles et engagements pris, sur leur respect et sur leur mise en œuvre. Celle-ci passera inévitablement par les cadres, dont il faut reconnaître le rôle dans un développement maîtrisé et durable. Ce code est l’expression de leur engagement ; le syndicalisme mondial doit porter ces questions. L’initiative du Comité mondial des cadres va pleinement dans ce sens.

1 : Nous n’avons pas reproduit ici les articles 11, 12 et 13, qui organisent la diffusion du code via les syndicats affiliés à l’UNI.