La problématique des auteurs tient essentiellement dans la phrase suivante : « la crise actuelle ne peut être dissociée de deux autres crises qui s'entretiennent les unes les autres, la crise du lien social et la crise du sens ».

Ils soulignent l'importance que prennent les situations d'exclusion et pensent que : « l'exclusion est à la société de demain ce que la question ouvrière fut à la société d'hier, et il faut la sortir de sa gangue caritative ou humanitaire pour en faire un concept politique de lutte ».

Les politiques de l'emploi ne doivent pas se contenter d'approches instrumentales uniquement à court terme. Notre société devrait mettre sur le même plan que le souci de l'enrichissement matériel le développement personnel et spirituel et la recherche de la cohésion sociale.

Et qu'est-ce que cette « crise du sens » ? « C'est cette transformation souterraine par laquelle chacun se fait l'artisan de sa propre sphère de sens. Le sens devient une propriété individuelle. Il se privatise. Mais un sens privé, élaboré au for de chaque individu, cela requiert beaucoup plus de ressources personnelles d'intériorité qu'un sens apporté de l'extérieur, par des traditions communautaires ou spirituelles qu'on ne discute pas ».

Et s'il faut faire en sorte qu'il y ait du travail pour ceux qui en attendent, car c'est encore par le travail qu'on accède à son identité au sein de la société, il faut aussi diversifier les sources de sens. C'est alors que seront réunies les conditions pour bâtir une civilisation du temps choisi où chacun pourra trouver du sens en dehors du travail.

Au passage, quelques conseils sont donnés aux organisations syndicales pour qu'elles défendent des revendications de nature plus qualitative (sur l'organisation des tâches, sur la requalification permanente au sein de l'entreprise, la solidarité avec les exclus, la prise en charge des chômeurs, ...).

On nous présente une analyse de l'échange social basé sur quatre pôles : coopération, initiative, conflit, contrainte. Si deux seulement de ces pôles sont privilégiés, le dispositif boite et on assiste à des dysfonctionnements dans la société.

L'initiative est la base sociale de l'emploi mais elle doit se mâtiner d'un peu de coopération et de contrainte. Et il faut par ailleurs savoir traiter les conflits, ne pas les ignorer ou les mépriser et être à l'écoute de l'autre. Chose qu'on sait manifestement mal faire en France.

Tout au long de l'ouvrage des pistes de solutions sont avancées pour faire face à la crise de l'emploi et aux problèmes de l'exclusion. Elles sont reprises à la fin de l'ouvrage dans une annexe. Cet ensemble de propositions constitue un véritable programme de gouvernement et couvre aussi bien les domaines macro-économiques que micro-économiques. Comme solutions originales on peut noter :

  • la création d'un deuxième horaire légal sur la base de 32 heures par semaine bénéficiant des incitations en faveur du travail à temps partiel,
  • la création d'un comité permanent pour « l'engagement coopératif pour l'emploi ».

Ce travail a le mérite d'élever un peu le débat par rapport aux positions de certains hommes politiques ou économistes qui restent encore bien schématiques et ne prennent pas toujours en compte l'ensemble des problèmes (économiques, sociologiques).

(Paris, le 11 avril 1997)