Qu’est-ce que le Cese
et comment évolue t-il avec la demande sociale ?

 

Patricia Blancard. Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) est la représentation de la société civile organisée. Les deux orientations-clé de la mandature qui se termine au 31 mars 2021 ont été de « favoriser la cohésion sociale » et de « réussir les transitions économiques, sociales et environnementales ». Cinq ans après, ces orientations, portées par la CFDT, demeurent pleinement d’actualité tant en termes de cohésion sociale que de nécessaire réussite des transitions. La raison d’être du Cese est d’éclairer les pouvoirs publics à partir de la production d’avis et études avec une marque de fabrique, la recherche du consensus pour notamment déterminer l’acceptabilité sociale d’un projet. De même il était important de noter certains dissensus, c’est aussi pourquoi le Cese a démarré l’analyse de controverses sur des sujets complexes.

L’ouverture du Conseil à la participation citoyenne via les plateformes, les groupes citoyens et la convention citoyenne a constitué une innovation majeure de la mandature ainsi que la mise en place d’une cellule de veille des pétitions citoyennes en partenariat avec les plateformes telles que « Change.org » ou « Mesopinions.com ». La saisine par voie de pétition citoyenne, en format numérique, est prévue dans la nouvelle mandature dès 150 000 signatures contre 500 000 aujourd’hui, ce dès 16 ans et non plus 18 ans. Cette ouverture aux pétitions citoyennes (déserts médicaux, fin de vie, sans domicile fixe, hôpital…) et via une plateforme citoyenne et l’avis « L’orientation des jeunes » (2018) ont permis à plusieurs milliers de citoyens et de citoyennes de s’exprimer sur le sujet. De plus pour la première fois dans l’histoire des institutions d’un niveau constitutionnel, des groupes de citoyens ont été tirés au sort afin de participer, aux côtés de la société civile organisée, à l’élaboration d’avis et de préconisations.

L’avis « Fractures et transitions » (2019) suite à l’épisode des Gilets jaunes et au Grand Débat, s’appuyant sur une plateforme citoyenne innovante et constructive et la participation de citoyens a émis 20 recommandations allant de la création de richesse, transition écologique, services fournis au public, au pacte démocratique. L’avis « Générations nouvelles »  (2020) s’est interrogé sur les causes de la panne de l’ascenseur social et a émis des préconisations pour répondre à la promesse républicaine d’égalité des chances pour l’avenir. L’avis « Vaccination » (2021) participe à la stratégie nationale de vaccination sur la Covid-19 mise en place par le gouvernement sous la direction du Professeur Fischer. Le Cese va devenir le carrefour des consultations publiques et faire entrer la participation citoyenne dans nos institutions.

 

Qu’est-ce qui marquée en tant que conseillère CFDT ?

 

P. B. Ce qui m’a marquée : être dans un groupe fort, avoir des vrais camarades. Le groupe de la CFDT s’est fortement impliqué dans les travaux des sections, et dans sa gouvernance. Avec 18 conseillères et conseillers et une attachée du groupe, la CFDT a été reconnue dans chaque formation de travail pour son travail, ses interventions et ses productions. Pesant 8% du Conseil, la CFDT a été rapporteure de 20% des avis de la mandature, dans toutes les sections, sur des auto-saisines comme sur des saisines gouvernementales. Très assidus aux réunions, avec des interventions de qualité alimentées par le travail collectif, notre attachée du groupe et le bon climat de notre collectif, appuyée par les référents confédéraux ou issus des fédérations parfois désignés comme experts (comme Franca Salis-Madinier), la CFDT a été comme crédible, organisée et incontournable dans les formations de travail, souvent force pivot dans les débats. Le groupe s’est réuni avant chaque plénière pour finaliser les déclarations et échanger sur les travaux en cours, et chaque trimestre à la confédération pour un échange avec les secrétaires nationaux, sur l’actualité revendicative. C’est une force incroyable.

Ce qui m’a beaucoup aidée c’est aussi d’avoir une autre conseiller dans ma section ; à ce titre Philippe Mussot a été d’un apport exceptionnel tant amical que de travail et d’intelligence. A deux on raisonne mieux. Son avis en 2019 « Demain la finance durable : Comment accélérer la mutation du secteur financier vers une plus grande responsabilité sociale et environnementale ? » constate une double crise, écologique et sociale, à laquelle les acteurs financiers ne répondent que par des politiques de court-terme. Il préconise en conséquence de réorienter l’action du secteur afin qu’il contribue à la construction d’un futur soutenable. Ceci passe par l’adaptation du cadre réglementaire en France et en Europe et la réorientation de l’épargne vers des investissements socialement responsables de long-terme. Il propose enfin de responsabiliser davantage les instances dirigeantes des entreprises financières sur ces sujets en y associant les institutions représentatives du personnel.

 

Y a-t-il des préconisations fortes que tu retiens ?

 

P.B. Pour ma part concernant le premier avis dont j’étais rapporteure, « Mieux investir pour la France - Rapport annuel sur l’état de la France (RAEF 2018) », si je sélectionne une préconisation forte qui correspond à une revendication CFDT, c’est celle concernant l’impérieuse nécessité de renforcer l’investissement social destiné, à améliorer le capital humain et agir de manière préventive sur les inégalités. Ce qui participerait également à une plus grande efficacité des politiques publiques :

- Développer les investissements liés au vieillissement et à la dépendance notamment par un renforcement de la formation, la prévention et la reconnaissance des personnels qui en sont chargés ;

- Activer des politiques de prévention, d’accompagnement d’insertion à l’attention des jeunes et des enfants pour s’extraire des « trappes à pauvreté » et éviter le déterminisme social ;

- Consolider les dépenses dans la formation initiale et continue ; s’appuyer sur une meilleure gestion et une analyse prospective des besoins en compétences et qualifications des entreprises pour favoriser l’accès ou le retour à l’emploi et pour ouvrir le droit à une « deuxième chance ».

Concernant l’avis « Les investissements nécessaires pour l’avenir : enjeux et déclinaisons » adopté le 24 février 2021, la préconisation-phare que je retiens concerne l’efficacité des investissements qui passe par le recours à des dispositifs fiscaux incitatifs. Les incitations fiscales destinées à encourager les investissements doivent être subordonnés à la prise en compte de l’intérêt général telle que la justice sociale, la politique de l’emploi, de formation, de R&D et de transition écologique. Les exonérations fiscales défavorables à la transition écologique devraient être supprimées progressivement. Enfin le Cese a préconisé à plusieurs reprises une révision d’ensemble de la fiscalité, en particulier en effectuant une mise à plat des aides aux différents secteurs économiques.

En conclusion, ce qui j’ai fortement appréciée, c’est d’avoir des auditions de personnes compétentes sur le sujet, qui permet une acculturation au sujet et un apprentissage formidable. Malheureusement avec la réduction du nombre de conseillers et de la multiplication prévues par le législatif de saisines sur des projets de loi ou autres, il y aura probablement beaucoup moins d’auditions. Pour autant je suis partante pour un second mandat.