Le terme « retraite » cache de nombreuses situations et il est parfois difficile de s’y retrouver. Cette complexité est le fruit d’un processus historique, mêlant unification des systèmes et résurgences de situations particulières.

La retraite complémentaire n’échappe pas à son histoire. A la CFDT, nous souhaitons nous engager dans une réforme de grande ampleur. Quant au gouvernement, il a inscrit le dossier de la réforme des retraites à son agenda. Cette réforme aura pour ambition d’aborder non seulement la structure de notre système de retraite mais aussi son adéquation aux objectifs que nous fixons collectivement pour un régime de retraite.

Nous sommes deux administrateurs CFDT de l’Agirc et de l’Arrco, et nous sommes mandatés par la CFDT pour piloter ces régimes. A ce titre, notre double casquette de gestionnaires Agirc-Arrco et de responsables de la CFDT Cadres nous invite à vous faire partager nos réflexions et nos analyses.

L’obligation pour les salariés du privé de cotiser à un régime de retraite complémentaire date de 1972. L’augmentation du travail féminin, les évolutions économiques et sociales, ainsi que la rationalisation et l’unification des régimes ont profondément marqué la retraite complémentaire. L’adaptation continue des régimes, la création d’un GIE de moyen unique et une activité de négociations intense ont transformé les régimes de retraites Agirc et Arrco1.

Le système de retraite est une composante primordiale de notre protection sociale, mais il est très difficile à appréhender.

Organisée autour de deux régimes obligatoires, la retraite complémentaire des salariés du privé rassemble plus de 18 millions de cotisants et un peu moins de 12 millions de retraités. L’Agirc et l’Arrco versent annuellement 68 milliards d’euros. Pour un cadre, la retraite complémentaire représente, en moyenne, un peu moins de 50 % de sa retraite totale contre environ 30 % pour un non cadre. C’est dire l’importance de ces régimes qui coexistent avec 38 autres, mais qui représentent un gros quart des dépenses de retraite en France2.

Une réforme annoncée

L’inscription d’une réforme de grande ampleur à l’agenda du gouvernement et la livraison de deux rapports du COR sur « l’actualisation des prévisions » et un « état des lieux du système de retraite » vont contribuer à ouvrir le débat sur la retraite en général et les retraites complémentaires devront s’y inscrire.

Dans un contexte de finances publiques en berne et de crise économique, le débat sur la retraite complémentaire doit s’ouvrir en premier lieu chez les partenaires sociaux.

En effet, il s’agit de déterminer les objectifs du système de retraite et le niveau de prélèvement que cela comporte. Ce débat n’est pas nouveau pour les gestionnaires des régimes de retraite complémentaire qui ont, depuis 20 ans, fortement modifié l’architecture, les règles d’attribution et de contributions. Le fait nouveau est de poser ces questions de manière plus large au niveau de l’ensemble des régimes de retraites.

La redéfinition de l’architecture de la retraite s’inscrit dans les débats généraux de la CFDT et nous permet de plaider pour une architecture à trois étages avec un premier étage de base obligatoire, fortement redistributif, et un deuxième étage également obligatoire et fortement contributif, ces deux étages étant tous les deux gérés en répartition. Le troisième étage optionnel est négocié dans les entreprises et au niveau interprofessionnel et/ou local pour les plus petites d’entre elles. Ce dernier étage est géré, lui, en capitalisation.

Ces positionnements, anciens, sont au cœur des revendications de la CFDT sur la retraite.

Les objectifs de la réforme pour la CFDT Cadres

La réforme annoncée devra tenir les cinq engagements suivants.

2013, l’année de toutes les réformes ?

A l’heure où nous allons parler de réforme systémique, certains partenaires glorifient les vertus du régime général au motif qu’un régime à compte notionnel ou plus simplement par points réduirait à néant toute notion de solidarité.

C’est là un mauvais procès et nous avons vu au travers d’exemples concrets qui nous sont familiers que toutes les options sont ouvertes. Nos deux régimes principaux, assurance retraite de la sécurité sociale et Agirc-Arrco, fonctionnent selon des principes très différents. Pour autant les deux mettent en œuvre des règles de solidarité encore très généreuses. Ce n’est donc pas la technique (calcul en durée pour l’un, calcul en points pour l’autre) qui détermine le degré de solidarité du régime. Tous les aménagements sont possibles pourvu qu’on le décide et qu’on trouve le financement correspondant.

La période de crise et de chômage persistant à un niveau élevé réduit les possibilités de redistribution. On peut s’interroger à ce stade sur la nécessité d’affecter strictement aux prestations « essentielles » le montant des cotisations et de rechercher le financement des dispositifs de solidarité par la collectivité, par un financement unifié c’est-à-dire l’impôt. Ainsi, on respecte à la fois le souhait d’une plus grande contributivité sans négliger la solidarité à laquelle tous les partenaires sociaux, et la CFDT en particulier, sont attachés.

Et la retraite des cadres dans tout cela ?

La catégorie professionnelle des cadres est caractérisée par diverses contreparties à l’investissement au travail et notamment par un régime de retraite dédié. Cette situation ancienne a été remise en cause, non pas sur l’existence de spécificités pour la catégorie cadres, mais sur la justification de ces différences de traitement. La construction de l’Agirc (voir l’article de Nathalie Hugot-Piron) et son mode d’affiliation fondé sur les classifications et non sur le métier rendent impossible le maintien en l’état du système.

Ainsi, si les différences de traitement ont été construites avec le temps, le premier marqueur de l’accès à la responsabilité ou à l’expertise devrait être celui d’une juste rémunération et non celui d’une classification, bien souvent obsolète, et qui ne prend pas en compte les trois critères les plus faciles à justifier que sont la responsabilité, l’expertise et l’autonomie réelle.

Couplé à une dénaturation du système par l’introduction de la Garantie Minimale de Points, il y a urgence à pouvoir remettre le système à l’endroit.

Cette remise à plat ne pourra plus faire référence à une catégorie professionnelle mythifiée pour justifier une différence de traitement mais devra trouver une juste contrepartie aux sujétions particulières dont sont empreints les cadres. A la garantie minimale de points, il faut substituer la garantie minimale de contrepartie aux efforts déployés.

La double affiliation des cadres au régime Arrco et au régime Agirc, initiée en 1974, doit nous inciter à retenir un critère de rémunération comme base de réflexion à une unification largement déployée dans les faits.

Cela implique de négocier la prise en compte de ces sujétions particulières que la Cour de cassation a mise en avant.

La proposition du Medef de revisiter le cadre du régime de prévoyance attaché au régime Agirc depuis les années 50 mérite une réflexion approfondie. Cette réflexion doit pouvoir intégrer le trépied expertise, responsabilité et autonomie réelle avec pour objectif non pas de faire des économies sur la masse salariale mais permettre de valoriser le travail des cadres.

1 : Depuis 1974, tous les salariés du privé cotisent à l’Arrco, les cadres cotisent en plus à une caisse Agirc pour la faction de rémunération supérieure au plafond de sécurité sociale (37032 euros par an au 01.01.13)

2 : Les retraités et les retraites en 2008 (Drees)

3 : Y compris Contribution exceptionnelle temporaire, AGFF et Taux d’appel

4 : 17.06 x 5.861 = 100 %

5 : Chiffres Agirc-Arrco

6 : Le taux d’appel est égal à 125 %. Il signifie que pour 100 euros de cotisation productive de points, la cotisation réelle est de 125 euros. L’écart entre le taux d’acquisition d’un point et son inscription au compte du cotisant contribue au financement des régimes de retraite Arrco et Agirc.