Pour cela il faut investiguer un nombre suffisant de métiers pour obtenir une typologie des situations concernées par chaque compétence transversale et définir ainsi une zone de mobilité potentielle de personnes souhaitant évoluer professionnellement.

Par ailleurs dans l’exercice d’un travail les compétences transversales sont toujours combinées ou associées à des connaissances générales, des compétences techniques ou d’autres compétences transversales. Dans tel cas la compétence technique est essentielle, dans d’autres cas plus fréquents (dans la mesure où les machines deviennent plus autonomes) les compétences générales et transversales assurent l’essentiel des conditions de réalisation du travail à accomplir.

Il faut se garder des typologies simplifiées (voire simplistes) de compétences transversales supposées décrire des attitudes sans référence explicite à des situations professionnelles (être dynamique, savoir s’adapter, être courtois, être motivé, être ponctuel, etc.). De même il faut distinguer les compétences transversales de « méta-compétences » comme « apprendre à apprendre » ou « avoir un comportement professionnel respectueux de l’environnement » dont l’explicitation renvoie à un éventail très large de compétences de différentes nature et contextes professionnels…

Toutes ces questions interpellent les études et les enquêtes relatives au travail qui permettent de consolider et d’approfondir la notion de compétences transversales. Ainsi l’enquête « conditions de travail » de la DARES[1]  permet, par exemple, de cerner les questions de l’autonomie dans l’exercice du travail en soulignant, entre 2005 et 2016, une importance croissante des phénomènes de coopération qui conforte les études sur le poids de toutes les formes de travail collectif.

Ainsi plus de 90% des salariés déclarent avoir la possibilité de coopérer pour effectuer leur travail correctement. La même enquête permet de constater qu’une très grande majorité d’ouvriers et d’employés disent organiser leur travail de la façon qui leur convient. Plus globalement il est nécessaire de redéfinir les zones de responsabilité professionnelle collective et minorer les représentations liées au modèle du professionnel « compétent » mais isolé. « Un professionnel peut de moins en moins souvent être compétent tout seul, avec ses propres « ressources » (…). Plus un problème est complexe, plus les acteurs qui s’attachent à le résoudre sont dépendants les uns des autres. Un professionnel compétent agit non seulement avec d’autres mais en fonction des autres : il prend en compte leurs contraintes, la spécificité de leurs démarches, leurs priorités, leurs temporalités ; il leur communique les informations dont ils ont besoin, il cherche à leur rendre lisibles son action et ses façons d’agir ; il les aide à atteindre leurs propres objectifs. C’est aussi le cas face aux situations dans lesquelles il faut innover, faire face à l’inédit. »[2]

Prendre la mesure des compétences transversales suppose donc de les illustrer par des situations professionnelles permettant de mesurer leur importance, leur fréquence et leur niveau. La mesure de l’importance d’une compétence transversale (de l’élémentaire au complexe) implique une assimilation d’autres compétences et un élargissement des conditions de réalisation des situations professionnelles concernées. Il est donc important de souligner dans le descriptif des activités et des compétences la logique de combinatoire plutôt qu’une approche de juxtaposition des tâches et des compétences.

 

Enrichir les systèmes de certification professionnelle

 

D’un point de vue méthodologique, une ingénierie de certification doit donc identifier les compétences spécifiques d’un métier et celles qui favorisent les mobilités (embauche ou reconversion) vers d’autres activités. Par exemple la maitrise du numérique est une compétence technique transférable dans de nombreuses activités, de même les compétences transversales qui consistent à prendre des initiatives ou à savoir travailler en équipe contribuent également à la mobilité professionnelle qui devrait être mieux pris en compte par les certificateurs, les recruteurs et les orienteurs.

Mais la prise en compte des compétences transversales dans les systèmes de certification ne suffit pas, encore faut-il que les processus de formation intègrent cet objectif notamment quand ils se déroulent en entreprise. Savoir s’organiser, prendre des initiatives, improviser, tester des options, gérer des aléas, analyser et résoudre des dysfonctionnements, s’adapter à des contextes différents, être en relation avec des clients, est fortement tributaire des contextes organisationnels et sociaux des entreprises qui diffèrent de ceux des organismes de formation.

L’implication formative des entreprises et des branches professionnelles dans la reconnaissance des compétences transversales peut ainsi contribuer à réduire la surqualification à l’embauche en atténuant la prédominance du niveau de diplôme dans les recrutements qui pénalise les moins qualifiés.

Dans les emplois considérés comme « non-qualifiés », les compétences transversales s’avèrent souvent l’élément-pivot des pratiques professionnelles et de l’usage des compétences techniques et des savoirs généraux. Dans l’expérimentation relative aux actions de formation en situation de travail (AFEST[3]) destinée à des salariés peu qualifiés ou dans l’expérimentation « territoires zéro chômeurs de longue durée » il apparait que les compétences d’organisation, d’initiative, d’entraide, de fiabilité dans l’engagement, de coopération, d’écoute, etc. ont été essentielles dans le travail de confiance en soi, de reconnaissance et d’auto-valorisation[4].

De ce point de vue l’appropriation de cette notion dans les négociations de branches sur les classifications et les salaires en lien avec les systèmes de certification (notamment en matière de VAE) est un enjeu important pour les moins qualifiés. La nouvelle donne en matière de responsabilisation des branches professionnelles en matière d’apprentissage et d’alternance est une occasion d’investir sur cet enjeu des compétences transversales et transférables afin de faire converger les objectifs de qualification professionnelle (intégration réussie dans l’emploi) et d’employabilité (développement du potentiel d’évolution professionnelle des personnes).

 

[1] Dares Analyses n°82, décembre 2017.

 

[2] G. Le Boterf, « Apprendre à agir et interagir rn professionnel compétent et responsable » - Revue Education Permanente n° 188, 2011.

 

[3] Rapport AFEST, Anact juillet 20018.

 

[4] P. Mayen, S. Macler (dir.), « Apprendre et se former en situations de travail », revue Education Permanente n° 216, 2018.