La gouvernance économique doit trouver des lieux où s’exercer, sans quoi elle restera un vain mot. Le livre vert de la Commission européenne sur la Responsabilité sociale des entreprises proposait l’instauration de comités consultatifs solidaires. Et pourquoi pas un comité solidaire de bassin d’emploi ? Tout ce qui permettra de débattre de façon organisée des impacts des choix de gestion des entreprises, de leurs conséquences sur l’emploi, les conditions de travail, l’environnement, constituera un jalon vers plus et mieux de gouvernance économique et sociale. Cela doit être vrai à tous les niveaux, y compris en matière de gouvernance européenne ou mondiale.

La question de la gouvernance économique mondiale, des règles de libre-échange et du rôle de l’OMC ont été au cœur des débats de la conférence de Cancún, au Mexique, en août 2003. La régulation du capitalisme ne peut relever d’une seule approche économique. La question sociale est tout aussi essentielle, mais quand parlera-t-on de gouvernance sociale ? Le social sans l’économique est voué à l’échec, tout comme l’économique sans le social. Combien de fois n’avons-nous pas, à la CFDT, réaffirmé cette impérieuse nécessité d’articuler, de réconcilier, l’économique et le social ? Nous ne pouvons nous satisfaire d’une dichotomie persistante entre d’un côté l’économique et ses modes de gouvernance, et de l’autre le social et ses mécanismes de régulation.

La seule analyse des termes utilisés est symptomatique de cette séparation des préoccupations, d’une culture dominante du financier, du pilotage par les coûts, par la valeur pour l’actionnaire. Bien au-delà des termes, est posée la question des acteurs, de la séparation des rôles entre institutions et surtout de l’absence d’articulation entre ces institutions, l’OMC pour la régulation des échanges et la gouvernance économique mondiale, l’OIT pour les normes sociales internationales, l’OMS dans le domaine de la santé, le FMI et la Banque mondiale pour le monétaire... Nous butons aujourd’hui, pour reprendre les termes de Pascal Lamy, le Commissaire européen chargé du commerce international, sur une architecture internationale qui fonctionne avec des organismes tiroirs spécialisés. A chacun son ministère en quelque sorte, mais sans coordination, sans gouvernement. Sans doute faut-il trouver là une des raisons des difficultés rencontrées lors de ce sommet mondial. A l’issue de ce sommet, la CFDT a rappelé cette nécessité d’une meilleure articulation entre les institutions internationales, les autorités de régulation et proposé d’établir un forum commun OMC-OIT afin de favoriser la prise en compte des droits sociaux fondamentaux.

Sans gouvernement mondial, comment parler de gouvernance, comment imaginer la gouvernance économique et sociale à tous les niveaux, que nous appelons de nos vœux ? Celle-ci aura bien besoin de l’acteur syndical et de sa force de représentation collective, d’un rapport de force permettant d’inverser la culture financière dominante.