Ce sujet a récemment migré dans le milieu des praticiens de l’entreprise et des relations sociales et suscité plusieurs textes importants. Parmi ceux-ci, le rapport des Assises du travail appelle à « renouveler la démocratie au travail en généralisant le dialogue professionnel sur la qualité et l’organisation du travail ». Par ailleurs, les signataires de la convention collective de la métallurgie de 2022 s’engagent à développer le dialogue professionnel qui doit permettre « d’impliquer plus directement les salariés sur les questions opérationnelles des activités de l’entreprise » et dans l’animation duquel « les responsables hiérarchiques occupent une place essentielle ». Ce dernier texte confère ainsi un début de normativité juridique au dialogue.

Aussi intéressant soient-il, ces textes à caractère programmatique donnent assez peu d’éléments sur la nature exacte de ce dialogue, sur les dispositifs concrets censés l’incarner dans les entreprises ainsi que sur les difficultés à vaincre. Tentons de revenir sur chacun de ces points.

Au fondement du dialogue professionnel : règles et régulation dans les organisations

La réflexion sur la place du dialogue dans les organisations trouve son origine dans la critique du paradigme technocratique. Dans ce dernier, l’efficacité productive dépend principalement de la qualité des plans et des règles conçus par des experts (en méthodes de production, en systèmes d’information, en gestion de la qualité, en contrôle de gestion, en ressources humaines…). Cette technostructure (Galbraith, 1967) prépare l’organisation détaillée de l’action avant qu’elle ait lieu, elle cadre l’activité des travailleurs à l’aide de procédés et de dispositifs multiples. Les entreprises sont vues comme des espaces à régler toujours plus finement. Cette approche repose sur une sorte d’illusion rationnelle selon laquelle le travail pourrait être totalement décrit et cadré par avance par des experts lointains et l’action des travail