L’année 2020 devait être une année record en termes de dynamique de créations d’emplois cadres du secteur privé. Déjà en 2019 les entreprises avaient recruté 281 000 cadres, soit une création nette de 75 000 postes. Cette année le volume de recrutements était estimé avant la crise à presque 300 000, une dynamique très favorable appelée à se poursuivre encore dans les années suivantes.

Les conséquences de la crise sanitaire et économique réduisent de près de 40% ces projets de recrutements, évalués en septembre – avant la « deuxième vague » – à 170 000 pour cette année. Il s’agit donc d’un choc brutal. Pour en comprendre l’intensité, nous pouvons le comparer à ceux des crises précédentes : on a déjà connu une chute de 40% durant la crise du début de la décennie 1990, mais sur quatre années, et en 2008-2009 c’était -28% sur deux ans.

Les cadres confirmés comme les jeunes diplômés n’échappent donc pas à la crise actuelle, loin de là. Nous notons d’abord un net ralentissement – dans certaines entreprises c’est même un arrêt – des embauches, ce qui frappe en premier les jeunes ; et nous n’avons pas encore vu les effets des plans de suppressions de postes qui sont en cours : délais légaux, mesures d’accompagnement, etc. Il faut attendre 2021 pour en voir les effets. D’ores et déjà on observe une forte baisse du volume des offres d’emplois cadres sur Apec.fr – un bon indicateur car la plate-forme capte environ 47% du marché – de l’ordre de -30% entre janvier et novembre.

Cette situation est d’autant plus inédite que des tensions fortes demeurent sur certains métiers tels que les activités informatiques, l’ingénierie-R&D et dans une moindre mesure et les télécommunications et les activités de conseil. La crise ne va pas forcement modifier le contexte de tension dans lequel s’effectuaient les recrutements de cadres en 2019 dans certains secteurs.

Des difficultés devraient perdurer pour certains profils en raison d’un déficit structurel de candidatures et peut être aussi désormais d’une certaine réticence des cadres à prendre le risque de changer d’entreprise. Les cadres expérimentés sont moins tentés par un changement d’entreprise, ce qui réduit l’offre auprès des entreprises. Cela dit, même si ces mobilités ne sont pas portées par la conjoncture - sauf pour les cadres qui « prennent les devants » en anticipant des difficultés dans leur entreprise fragilisée – nous voyons à l’Apec une demande toujours très forte de Conseil en évolution professionnelle (CEP) qui aujourd’hui a vraiment pris sa place dans le paysage. Le CEP est un dispositif d’accompagnement gratuit et personnalisé proposé à toute personne souhaitant faire le point sur sa situation et qui permet d’établir un projet d’évolution : reconversion, reprise ou création d’activité…

L’autre activité de l’Apec est auprès des entreprises : nous les accompagnons dans leurs projets de recrutement, dans la définition de leurs besoins et des profils. Ce conseil est notamment précieux pour les TPE-PME qui n’ont pas de fonction RH et recrutement. La volonté de limiter les risques pourrait conduire les recruteurs à rechercher le maximum de garanties. L’enjeu du recrutement en période de crise pourrait conduire les grandes entreprises et les plus grosses PME à renforcer leur processus de sélection en ayant par exemple davantage recours à des tests ou à un contrôle des références, avec cette idée - pas toujours vraie - que le marché est « surabondant ».

Par ailleurs, l’Apec a déployé un dispositif exceptionnel pour les jeunes diplômés, en doublant ses capacités d’accompagnement. Avec le plan « Objectif premier emploi » lancé en septembre dernier, l’Apec s’est engagée à accompagner, d’ici l’été 2021, quelque 50 000 jeunes diplômés. Ce plan jeunes Apec, déployé au plus près des territoires, est d’ailleurs soutenu par l’Etat dans le cadre du Plan #1jeune1solution.  A la date de début décembre, ce sont déjà 13 000 jeunes qui ont été pris en charge dans les ateliers « objectif 1er emploi ». Un sur trois environ a besoin d’être accompagné davantage et fait l’objet de rendez-vous personnels avec un consultant Apec.

Enfin, nous travaillons à plus long terme sur ce que la crise peut changer sur les modes de recrutement. Les entreprises vont devoir intégrer de nouvelles attentes vis-à-vis des cadres, comme savoir travailler à distance, mais aussi manager dans l’incertitude. Nous nous appuyons sur un travail de fond que nous menons depuis quelques années sur les savoir-être ou soft skills. La créativité, l’autonomie, le sens relationnel, la force de proposition… De même que les compétences dites transversales, ces types de savoir-faire prennent du relief dans la situation d’aujourd’hui.