La responsabilité est au cÅ“ur des défis majeurs auxquels nous sommes confrontés : responsabilité politique des gouvernements, responsabilité sociale et environnementale des entreprises, au-delà de leur responsabilité économique, responsabilité écologique et sociétale de chaque consommateur, responsabilité des générations actuelles envers les générations à venir. La responsabilité est non seulement collective mais aussi individuelle et questionne chacun d’entre nous et notamment le cadre dans son milieu professionnel qui, en tant qu’individu témoin d’un dysfonctionnement majeur, risque de n’avoir à choisir qu’entre le silence complice et la délation.

Le syndicalisme européen et international se doit d’interpeller les employeurs et aussi les politiques pour une meilleure qualité de vie au travail, un emploi et un salaire décent pour toutes et tous. Il est aussi force collective de proposition, acteur de la régulation économique, sociale et environnementale, lorsqu’il revendique de nouveaux droits, lorsqu’il négocie des garanties collectives pour tous, lorsqu’il se bat pour que les générations à venir puissent continuer à bénéficier de systèmes de protection sociale en matière de santé et de prévoyance collective. Sa spécialité est le social mais il n’en a pas le monopole, pas plus que les entreprises n’ont le monopole de l’économique, ni les écologistes celui des questions environnementales.

Le syndicalisme européen des cadres, qui agit dans les entreprises et les administrations, à travers des décideurs, professionnels et managers, à la fois témoins, sujets et acteurs de ces situations, entend privilégier six leviers d’action pour plus de responsabilité sociale, sociétale, environnementale :

1. La contractualisation d’accords internationaux de responsabilité sociale des entreprises

La volonté de faire progresser la régulation sociale de la mondialisation exige des engagements sur le périmètre d’action dans lequel les multinationales opèrent. Par des accords mondiaux ou européens, les multinationales s’engagent à poursuivre des pratiques socialement responsables dans les pays où elles sont présentes. Respect du droit de liberté d’association et d’adhérer à un syndicat, lutte contre le travail des enfants, respect des normes de sécurité et santé au travail. Ces normes ne sont pas superflues dans beaucoup de pays en Europe et à l’international.

2. L’impulsion vers de nouvelles règles de gouvernance

De nouvelles règles de gouvernance doivent s’appliquer à tous les niveaux tant au plan des institutions internationales FMI, OMC, Banque Mondiale, OIT, que dans les pratiques de pilotage stratégique des entreprises pour un meilleur équilibre entre économique, social, environnemental.

3. La négociation des conditions d’exercice de la responsabilité professionnelle

Lors du congrès UNI Cadres de Melbourne en 2008, ont été adoptées les dix conditions d’exercice d’une responsabilité professionnelle et sociale. Celles-ci ont été intégrées dans le Code UNI de responsabilité des managers.

Condition 1 : Garantir l’exercice de la liberté d’expression des cadres ;

Condition 2 : Garantir le droit de parole ;

Condition 3 : Garantir le droit d’intervention ;

Condition 4 : Garantir un droit d’alerte professionnelle ;

Condition 5 : Garantir un droit de retrait d’une situation difficile ;

Condition 6 : Garantir le droit à la démission légitime ;

Condition 7 : Garantir par la loi la protection du lanceur d’alerte ;

Condition 8 : Structurer les démarches par le dialogue social ;

Condition 9 : Promouvoir des pratiques de management responsable ;

Condition 10 : Assurer le respect des normes internationales.

4. et 5. La négociation des conditions d’une alerte professionnelle responsable

En matière d’alerte professionnelle responsable, l’introduction du droit d’alerte et de la protection des lanceurs d’alerte dans le droit international est une garantie pour pouvoir exercer réellement ce droit.

C’est pourquoi UNI Cadres agit pour que ce droit d’alerte soit inscrit dans les conventions de l’OIT, assorti d’une protection des lanceurs d’alerte. Ceci existe dans certains pays pour les salariés élus dans des instances représentatives du personnel, qui bénéficient d’une protection légale pour éviter les sanctions injustifiées. De nombreux pays ne possèdent pas ces dispositifs, c’est pourquoi il est important de mettre en place une protection reconnue partout dans le monde.

6. L’introduction de l’analyse critique dans la formation initiale et continuée

La formation devrait permettre l’apprentissage de la coopération â€“ travailler avec les autres et ne pas se poser systématiquement dans une logique de rivalité â€“ et aussi l’apprentissage de la confrontation positive â€“ gérer les contradictions, maîtriser la complexité, renforcer sa capacité d’analyse critique des modèles éventuels de gestion et de management â€“ deux conditions complémentaires pour un management plus respectueux de la personne et d’un développement équilibré et soutenable.

L’ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés suscite des peurs, des inquiétudes. La complexité des sujets à traiter nous semble parfois hors de portée et pourrait conduire au découragement, à la fuite en avant. La succession de crises et l’absence de solutions pérennes à apporter, l’irresponsabilité de certains décideurs, peuvent conduire à la radicalité des discours et des actes, et donc mener à certaines impasses. La pire des situations serait pourtant l’inaction, le rejet permanent de la responsabilité sur les autres et le repli sur soi. Ce serait condamner les générations futures à payer la facture des choix et décisions d’aujourd’hui, y compris celle de notre inaction. La responsabilité de tous les acteurs est plus que jamais engagée. Que peut faire concrètement le syndicalisme pour prévenir ces risques et éviter ces impasses ?

Le syndicalisme international que nous représentons pour les professionnels et les managers a le devoir d’informer, d’alerter, d’agir en interpellant tous les acteurs concernés. Sa puissance collective de plusieurs millions de membres dans le monde, sa capacité d’analyse des tensions, des situations de crises et de conflits, sa présence dans la durée dans de très nombreuses entreprises privées et publiques et sa proximité aux questions du travail, de l’activité, des compétences, lui donnent plus que jamais un rôle incontournable pour agir, tant au niveau local avec ses représentants qu’au niveau mondial auprès des institutions politiques, économiques, financières, sociales.

Une crise présente toujours une opportunité. La crise systémique que nous connaissons aujourd’hui peut être l’occasion pour le mouvement syndical de combattre les dérives auxquelles se livrent un certain nombre d’entreprises, de mettre l’économie au service de l’homme en épargnant les ressources de la Nature sur lesquelles les générations futures doivent pouvoir compter. Tous comptes faits, les représentants des travailleurs se sont plutôt moins trompés que les idéologues néo-libéraux, d’où leur légitimité à préconiser un nouveau paradigme. En matière d’alerte professionnelle responsable, il convient d’actionner les six leviers précités, qui sont la contractualisation d’accords de responsabilité sociale des entreprises, l’impulsion vers de nouvelles règles de gouvernance, la négociation des conditions d’exercice de la responsabilité professionnelle, la négociation des conditions d’une alerte professionnelle responsable, l’introduction du droit d’alerte et de la protection des lanceurs d’alerte dans le droit international, l’introduction de l’analyse critique dans la formation initiale et continuée.

Pour le texte intégral du manifeste : http://www.cadrescfdt.fr/actualites/manifeste-pour-un-management-responsable-en-temps-de-crise