Ce livre raconte le coût psychologique de la liquidation de la société Chausson. La fermeture définitive, à terme, de l’entreprise a été décidée en 1991 au niveau de la Direction générale, dans le plus grand secret. Rien n’a filtré durant les deux phases de suppressions d’emplois qui ont eu lieu en 1993 et en 1994, avant la fermeture définitive en 1996.

C’est l’histoire du déchirement d’une communauté particulièrement soudée qui a été confrontée au choix de la survie d’une partie du collectif, choix particulièrement mortifiant que les survivants sont tout de même arrivés à faire en légitimant par des paramètres forcément « démagogiques » mais auxquels ils ont bien été contraints de s’accrocher pour continuer à faire partie du collectif réduit.

Cet exercice particulièrement cruel devra être recommencé pour ceux qui survivront au deuxième plan social de 1994. Les derniers survivants apprendront le troisième plan social, la fermeture définitive et la trahison de la Direction du siège qui en leur cachant l’issue fatale, a donné aux paramètres antérieurement retenus un autre sens, mettant en évidence des attitudes peu solidaires et même carrément hostiles et injustes envers ceux qui étaient en droit d’attendre plus de solidarité de leurs collègues de travail.

La restitution sans ambages des vécus des personnes interrogées met en évidence le coût social des décisions prises sur les seules logiques économique et financière. La souffrance des salariés interrogés, étalée au fil des pages, bouleverse le lecteur qui peut vérifier par ailleurs la persistance, voire l’amplification d’une forme de déshumanisation dans les pratiques managériales actuelles.

Une autre lecture de ce livre nous amène à réfléchir sur la défense de la solidarité. A l’instar des primitifs qui entretenaient le feu, nous devons constamment veiller sur ce bien précieux. Si la solidarité s’exprime aisément quand la convergence des intérêts collectifs est satisfaite, cela est différent quand il y a divergence.

Jusqu’à une période récente, la gestion des intérêts collectifs pouvait être efficacement réalisée au niveau de l’entreprise, mais cela est de moins en moins vrai. Les entreprises n’hésitent plus à fermer sans procédure préalable.

Afin que chacun d’entre nous soit un citoyen actif de notre démocratie, le sens de la solidarité doit être recherché sur un champ plus vaste. Chaque salarié doit réaliser son parcours professionnel avec des garanties collectives le mettant à l’abri de tout aléa économique et financier, qui doivent être supportées par l’ensemble de la collectivité concernée.