Pendant sept ans, de 1997 à 2004, Pierre Alanche, salarié de Renault, siège au Conseil d’administration de son entreprise. Il y représente les salariés actionnaires, sur présentation des organisations syndicales de salariés. Comment cet ingénieur Arts et métiers, spécialiste en informatisation et automatisation de systèmes de production, est-il arrivé jusqu’à cette plus haute instance de décision de Renault où il a côtoyé banquiers, hauts fonctionnaires, patrons d’industrie et managers ? Comment a-t-il vécu cette responsabilité dans une période de changements multiples et en profondeur du constructeur automobile ? Comment a-t-il concilié cette responsabilité avec son engagement professionnel de cadre chez Renault, mais également son engagement syndical à la CFDT ?

Tout cela sur les épaules d’un même homme, que nous connaissons bien puisque Pierre a longtemps participé aux travaux du groupe « Outils de gestion et gouvernance » de la CFDT Cadres. Il a également été un contributeur actif de la réalisation du Guide de l’administrateur salarié publié par la CFDT Cadres en septembre 2007. Son ouvrage Renault côté cour nous livre les étapes de ce parcours riche en expérience, riche de diversité. « Un témoin unique par ses points de vue multiples », nous dit Pierre en introduction. Suit un récit- témoignage plein d’anecdotes, qui nous plonge dans les coulisses d’une firme automobile privatisée, qui s’est mondialisée et a profondément changé en 15 ans sa façon de produire. Démantèlement de l’usine de Vilvoorde, alliance avec Nissan, restructurations, autant d’événements qui ont fait l’actualité de Renault et ont alimenté les discussions et les échanges entre membres du Conseil d’administration.

Ce lieu est-il celui de la définition de la stratégie, de la confrontation des points de vue, que s’y passe-t-il réellement ? Qu’a-t-on le droit de dire ou ne pas dire, avant, pendant, après ? Jusqu’où doit aller la discrétion dans ces lieux feutrés ? Comment se positionner sur la question délicate de la rémunération des dirigeants, dans une période où elles s’envolent ?

Depuis sa première participation au Conseil, au moment des événements de Vilvoorde, jusqu’à son dernier conseil en 2004, Pierre a été le témoin de nombreux tournants, vécus comme les « grandeurs et servitudes du métier d’administrateur », pour reprendre ses propos.

Car un administrateur représentant les salariés actionnaires est un administrateur à part entière, mais pas tout à fait comme les autres, en aucun cas un super délégué syndical, chacun son rôle. C’est un métier, tant l’exercice de cette responsabilité exige aujourd’hui professionnalisme, compétences et donc formation appropriée. C’est une servitude, car comme nous l’ont dit d’autres administrateurs adhérents à la CFDT, « il ne faut pas se prendre la tête » et être lucide sur les limites de cette responsabilité tant il est difficile de faire bouger certaines lignes dans les stratégies des entreprises, lorsqu’on est administrateur salarié.

Tout cela invite les organisations syndicales à soutenir les administrateurs salariés et éviter leur isolement. Cet isolement, tous en ont témoigné lors des entretiens qui ont permis la réalisation du guide de l’administrateur salarié. C’est dire le chemin qui nous reste à parcourir pour reconnaître et valoriser cet engagement militant.

On ne peut donc que recommander fortement la lecture de ce témoignage passionnant, d’un jeune retraité qui souhaite grâce à cet ouvrage contribuer à donner aux salariés la place qu’ils méritent dans la gouvernance du futur de l’entreprise, un futur jamais écrit d’avance. Félicitations, Pierre.