La question de la parole au travail fait écho aux années quatre-vingt : à la suite des lois Auroux (1982), on se souvient de la flambée du participatif avec, en particulier, les groupes d’expression, les groupes de suggestion, les cercles de qualité. C’est à cette époque qu’émerge la communication interne permettant aux entreprises de s’adresser directement à tous les salariés. Mais les formes prises par la participation des salariés et par la communication se situaient à distance des pratiques professionnelles et du travail réel. L’expression participait plutôt au ré-enchantement d’une entreprise encore fortement marquée par le taylorisme-fordisme. Les salariés n’en voyaient guère les effets sur leur situation. Aujourd’hui, l’enjeu de leur parole renvoie à différentes dimensions du travail : ce qui est fait (qualité, performance opérationnelle) comme au cadre qui le permet (conditions, santé, sécurité).

La question de la parole des salariés revient parce que beaucoup d’acteurs de l’entreprise se sont éloignés de la scène du travail alors que celui-ci est soumis à des facteurs d’incertitude et à des aléas plus nombreux1, nécessitant des choix, des arbitrages, des décisions dans le quotidien de l’activité. On peut lire des travaux de sociologie (Dupuy 2011 et 2015), de sciences de gestion (Detchessahar 2009, Segrestin et Hatchuel 2012) ou de psychologie du travail (Clot 2010) à l’aune de la problématique de la communication au travail2. Sous plusieurs aspects, ils convergent autour de la proximité (ou plus exactement de la distance), de l’échange et de la discussion sur le travail. Ce point ressort notamment des constats faits sur ce qu’on appelle communément les risques psychosociaux (RPS). On ne parle pas assez du travail au quotidien et de la manière dont les équipes cherchent à bien