Quelles sont les principales avancées de ce texte ?

La première avancée c’est que cet accord existe. C’est le premier du genre et c’est une bonne nouvelle, pas seulement pour le sujet considéré mais pour la vie démocratique au sein de l’entreprise.

Tout d’abord, il institue un nouveau lieu, le Comité élargi de la diversité. Le texte impose aux entreprises disposant d’un Comité d’établissement ou d’entreprise, une fois par an, la tenue d’une séance intégrant dans l’ordre du jour la question de la diversité. En associant les délégués et les délégués syndicaux, il se constitue à cette occasion en « Comité élargi de la diversité ». La création de cette nouvelle instance répond à l’exigence portée depuis le début par la délégation CFDT. Il s’agit de la « matérialisation » d’un espace d’échange, de diagnostic et d’expression sur les questions de discrimination. C’était pour la CFDT une revendication essentielle, et nous pouvons être fiers du résultat, car il donne une réelle chance d’effectivité à une démarche qui risquait sans cela de rester dans le domaine des vœux pieux.

On peut évoquer aussi les travaux d’élaboration d’un diagnostic partagé qui a prévalu tout au long de la négociation tout comme l’affirmation forte des valeurs républicaines et des principes d’égalité de traitement dans le préambule. L’un des problèmes des discriminations, on le sait, c’est souvent leur invisibilité, le fait qu’elles ne soient pas formalisées : il est désormais difficile de dire « je ne savais pas ». Cela vaut d’ailleurs pour les entreprises, mais aussi pour les organisations syndicales.

L’accord permet de sortir de ce silence, il dégage un terrain de discussion. Sur ce sujet précis, ce n’est pas rien. Il identifie aussi des terrains d’action, et il est capital à nos yeux que l’accent soit mis tout autant sur le déroulement de carrière que sur le recrutement. La question des promotions est centrale, ici, du fait des effets d’entraînement. En matière d’égalité au travail comme de logement, il est essentiel de considérer les parcours et non pas seulement les seuils.

Autre avancée, le texte ouvre sur d’autres négociations portant sur d’autres catégories de salariés. Le texte invite à des négociations sur d’autres inégalités, notamment celles liées aux handicaps, à l’homophobie, etc. Le texte insiste sur la mobilisation des acteurs et indique que l’implication des institutions représentatives du personnel est un facteur de réussite.

Mais l’accord a permis aussi de dégager les champs d’intervention possibles et pose explicitement une responsabilité des entreprises. Il contient des engagements patronaux quant à leurs comportements et actions. Les engagements n’ont pas tous un caractère normatif, ils n’en constituent pas moins des points sur lesquels nous pourrons nous appuyer en cas de non-respect ou d’attitude passive des employeurs.

Quels sont les prérogatives des organisations représentatives du personnel ?

Outre la création du comité diversité, une information des représentants du personnel sur les procédures de recrutement est instituée. Le texte engage les directions à faire preuve de transparence vis à vis des représentants du personnel sur les procédures et dispositifs régissant les embauches et les évolutions de carrière, afin de s’assurer qu’ils proscrivent tout mécanisme de discrimination. Autant dire que la balle est dans notre camp : cela constitue un véritable levier d’action pour les équipes syndicales, mais c’est à nous, militants, de nous saisir du sujet.

C’est alors une question de volonté politique, qui peut se doubler d’une question de savoir-faire sur un sujet complexe : nombre de militants et d’équipes s’interrogent sur la manière d’aborder le sujet. Mais il y a aussi des structures, notamment dans l’interpro, qui ont déjà commencé à travailler, et certaines sections d’entreprise sont aussi très dynamiques. Nous possédons collectivement un savoir-faire qu’il faudra être capable de diffuser, ce qui passe notamment par de la formation syndicale et peut-être l’identification, dans le cadre des URI notamment, de personnes ressources.

Quels sont les points faibles de l’accord ?

Nous avons particulièrement bataillé pour que le droit à l’information s’adresse à toutes les entreprises disposant d’IRP quelle que soit leur taille, mais ce dispositif prend un caractère facultatif pour les entreprise sans CE. Même si le sujet peut être abordé une fois par an par les délégués du personnel dans les entreprises de 11 à 50 salariés, il n’en reste pas moins que cette possibilité a un caractère facultatif. C’est évidemment un premier point faible de l’accord. Il est dû à un blocage de la CGPME. Notre délégation a explicitement dénoncé son attitude.

Second point faible, une mise en œuvre compliquée dans les branches. La délégation patronale a refusé de faire de la diversité un sujet de négociation de branche. La seule ouverture explicite consiste à promouvoir dans les branches ces questions dans un « principe d’intégration transversale ». Il s’agit en clair d’évoquer ces questions de diversité et de discriminations dans les autres négociations et rendez-vous paritaires de branche. Les organisations peuvent cependant user des dispositions de la loi pour contraindre à la négociation de branche.

L’échelle du territoire elle non plus n’est pas favorisée, l’espace privilégié par l’accord demeurant celui de l’entreprise. Bien seule à avancer sur cette question, la CFDT a obtenu que la question des territoires soit prise en compte dans le préambule et dans le bilan effectué par le groupe de suivi, malgré les réticences de FO. C’est évidemment limité et nous n’avons pas pu obtenir que la Commission paritaire interprofessionnelle régionale (Copire) soit un lieu pertinent mais nous encouragerons nos équipes régionales de la CFDT à inscrire ces questions de diversité dans cette instance paritaire.

Que faire à présent ?

Pour ce qui est de la négociation, il faut noter la mise en place d’un groupe de suivi des expérimentations et d’une clause de revoyure. Ce groupe de travail paritaire ad hoc permettra un suivi des différentes expérimentations en cours dans les entreprises (CV anonyme, testing, dispositifs de formation, etc.). Au vu du bilan effectué par le groupe de travail, le texte prévoit une adaptation des dispositions de l’accord. Cela correspond à notre demande de faire de cet accord une première étape dans la lutte contre les discriminations.

Pour le reste, il faut bien se rendre compte que le travail ne fait que commencer. C’est à présent aux équipes, en entreprise, dans les territoires et dans les branches, de s’emparer du sujet. C’est un domaine sur lequel nous avons, à la CFDT, une longueur d’avance. Il s’agit désormais de rester en pointe sur un sujet qui est à la fois au cœur de nos valeurs et de nos priorités, l’égalité et l’emploi ; un sujet de fierté.