Le syndicalisme est confronté à une désaffection des plus jeunes. Comment renverser cette tendance, et plus largement, comment mieux coller aux aspirations des salariés et leur donner envie de se syndiquer ?

Cette question de la désaffection des jeunes vis-à-vis du syndicalisme mérite est à relier à l’évolution du marché du travail. En France, on obtient un emploi stable, CDI ou entrée dans la fonction publique, en moyenne à 27 ans, ce qui est tard. Ce qu’il nous faut améliorer, c’est l’accueil des jeunes dès leur entrée dans le monde du travail, quels que soient leur situation et leur statut. Il y a tout un travail de proximité à effectuer auprès de ces salariés en contrat précaire. Il faut adapter nos pratiques syndicales et proposer des services spécifiques à ce type de public et être en capacité de prouver l’utilité du syndicalisme, y compris pour eux. Être capable de faciliter l’insertion professionnelle des jeunes sans qualification, peu diplômés ou diplômés, c’est ce que nous avons fait au travers des accords nationaux interprofessionnels de 2011 puis, plus récemment, par l’accord sur le contrat de génération ou par notre implication dans les emplois d’avenir. Mais cela ne peut suffire si nous n’allons pas vers ces jeunes pour les écouter, les accompagner dans leur parcours et leur proposer d’adhérer à la CFDT.

Ce problème d’adhésion se double d’un problème de renouvellement des responsables de l’organisation. Pour donner aux jeunes militants l’envie de rester à la CFDT et leur procurer les moyens de prendre plus de responsabilités dans l’organisation s’ils le souhaitent, nous organisons depuis deux ans à Bierville une rencontre de trois jours à destination des jeunes militants responsables de moins de 35 ans. Ces rassemblements, appelés « Effervescences », doivent apporter une formation politique solide à environ 150 jeunes militants repérés dans et par les organisations CFDT. Ils doivent donner une approche du fonctionnement démocratique et de la prise de décision dans l’organisation et permettre de construire un réseau de jeunes militants au sein de la CFDT. Les jeunes participants bénéficient de formations liées aux thèmes clés de notre action revendicative. En 2012, ils ont été amenés à débattre des enjeux sous la forme d’un « congrès blanc » au cours duquel ils se sont approprié le fonctionnement démocratique de nos instances (rédaction d’amendements, débats, votes).

Cette question de l’adhésion et de la place dans l’organisation, jusqu’à la prise de responsabilités, ne se pose pas seulement pour les jeunes, mais aussi pour les femmes et les personnes issues de la diversité. Sur la diversité, nous avons du mal à avancer. Dans certains champs professionnels, les salariés sont d’une grande diversité, les adhérents un peu moins et plus on monte en responsabilité, moins c’est le cas. Nous avons donc décidé à l’assemblée générale des syndicats de la fin du mois de novembre 2012 de mener une recherche-action sur cette question.

La vraie difficulté pour une organisation syndicale est de faire venir des jeunes, des femmes et des personnes issues de la diversité et de les accompagner dans leur parcours militant de l’entrée à la sortie de la CFDT. Il ne s’agit pas seulement de faire adhérer toutes ces personnes, il faut aussi leur offrir des services et les accompagner dans leur parcours syndical sans qu’elles se sentent stigmatisées à l’intérieur de leur entreprise ou de leur administration.

Avant d’être élu secrétaire général de la CFDT le mercredi 28 novembre 2012, vous avez été chargé dès 2010, lors du dernier congrès confédéral de Tours, d’un chantier sur l’évolution du fonctionnement de la CFDT. Ce chantier doit aboutir en 2014, lors du congrès de Marseille. Quels sont les principaux objectifs poursuivis par ce chantier ?

Ce chantier doit permettre de mieux coller aux aspirations du salariat. Il a été lancé pour rendre la CFDT encore plus proche des salariés, des adhérents et des militants, et plus représentative du salariat. Nous sommes partis de la réalité et des spécificités des sections syndicales et des syndicats et nous avons mis en place une méthode participative par expérimentation et par projet pour faire avancer six projets : « soutien et accompagnement des militants », « place et prise de responsabilité des jeunes, des femmes et des personnes issues de la diversité », « service aux adhérents », « proximité avec les salariés », « évolution de la presse et de la communication » et « place des syndicats, rôle des structures ».

L’assemblée générale des syndicats de novembre 2012 a permis de faire le point sur les premières avancées concrètes et de fixer les prochains objectifs à poursuivre d’ici le congrès de Marseille, en 2014.

Devant le succès rencontré par les « enquêtes flashs », nous encourageons le plus grand nombre de sections syndicales à engager ces enquêtes auprès des salariés. Comme leur nom l’indique, ces enquêtes permettent de manière simple et rapide de mieux connaître les aspirations des salariés, de faire connaître le travail de la CFDT et elles représentent une bonne porte d’entrée vers l’adhésion.

Nous allons poursuivre le service aux adhérents « Réponses à la carte », une expérimentation plébiscitée depuis sa mise en place par les usagers : une plateforme téléphonique est à la disposition des adhérents qui ne savent pas toujours à quel interlocuteur poser leurs questions éventuelles, sur leur contrat de travail, par exemple. D’après une enquête, le taux de satisfaction des usagers de ce service est supérieur à 90%. Trois régions participent déjà à cette expérimentation dans laquelle la CFDT Cadres s’est impliquée. Une nouvelle union régionale devrait les rejoindre.

Nous allons aussi organiser en octobre 2013 un temps fort de rassemblement national des élus et des mandatés d’entreprise et d’administration pour mieux soutenir et accompagner ces militants.

Et nous allons généraliser les expérimentations engagées en matière de repérage des militants et de formation des responsables pour mieux représenter le salariat et accompagner les femmes et les personnes issues de la diversité qui souhaitent s’impliquer dans la CFDT.

Vous êtes devenu secrétaire général de la CFDT en novembre 2012. Pouvez-vous revenir sur votre parcours militant ?

J’ai adhéré à la CFDT alors que j’étais surveillant dans un collège, durant mes études d’histoire.

J’ai été secrétaire général de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne pendant deux ans, puis j’ai fait quelques remplacements comme professeur d’histoire-géographie avant d’intégrer une association d‘insertion pour aider des adultes en chômage de longue durée et allocataires du RMI à trouver un emploi. Au sein de cette structure de neuf personnes, j’ai été élu délégué du personnel et j’ai créé une section CFDT.

En 1996, j’ai refusé de prendre la direction d’une entreprise d’insertion professionnelle pour devenir permanent à l’union locale CFDT de Saint-Nazaire. J’ai alors travaillé notamment sur les problématiques de l’emploi et sur la place des jeunes au sein de la CFDT. En 2003, j’ai été élu secrétaire général de l’union régionale CFDT des Pays de la Loire. La même année, j’ai intégré le Bureau national de la CFDT. J’ai été élu en 2009 à la Commission exécutive confédérale en tant que responsable des TPE-PME et chargé de la coordination et de la rédaction de la résolution générale dont j’ai été rapporteur au congrès de Tours en juin 2010.

Je suis devenu secrétaire général adjoint de la CFDT au début de l’année 2012. Mes responsabilités au niveau national, en dehors du chantier d’évolution de l’organisation, couvraient les questions d’emploi, de sécurisation des parcours professionnels et d’insertion. A ce titre, j’ai été chargé des négociations sur l’assurance chômage et l’emploi des jeunes. Je coordonnais également l’action revendicative de la CFDT.

Comment voyez-vous la place des adhérents cadres et ingénieurs dans la maison CFDT ?

Tous les salariés ont leur place à la CFDT, les cadres et les ingénieurs comme les autres.

Dans le contexte économique actuel, les entreprises doivent faire face en permanence à des mutations. Les cadres sont en première ligne car ce sont eux qui font vivre et évoluer l’organisation du travail au quotidien. Dans un moment où l’intensification du travail est une réalité pour nombre de salariés, où l’évaluation de la performance est fréquente et où on cherche à donner du sens au travail, leur rôle compte beaucoup.

A l’intérieur de la confédération, la situation n’est plus la même qu’il y a encore dix ans quand certains remettaient en cause leur place. Le débat est maintenant dépassé. La confédération demande d’ailleurs souvent à Jean-Paul Bouchet ou d’autres secrétaires nationaux de la CFDT Cadres d’intervenir dans les débats ou les travaux. C’est un signe tangible de la place privilégiée qu’occupent désormais les cadres dans la confédération. La confédération n’hésite pas non plus à s’investir directement pour soutenir certains dossiers cadres. Ce fut le cas l’année dernière quand la situation de l’Apec était difficile et son existence même menacée. Je me suis occupé directement du dossier et je ne suis pas certain que sans l’implication de la confédération, cette organisation aurait survécu.

La présence des cadres dans la confédération est donc une vraie richesse pour la confédération, car la CFDT Cadres apporte sa vision et ses propositions sur l’organisation du travail, les retraites et bien d’autres dossiers. Elle l’est aussi pour les cadres qui peuvent ainsi sortir d’une logique de défense purement catégorielle de leurs intérêts.

Au début de votre mandat comme secrétaire général de la CFDT, quelle réalisation vous tient le plus à coeur ?

Je veux montrer que le syndicalisme est utile dans ce moment de graves difficultés économiques et sociales.

Chaque corps intermédiaire doit s’interroger sur son utilité dans cette période compliquée. Ma préoccupation principale actuelle est que la négociation en cours sur la sécurisation de l’emploi aboutisse, avec de vraies garanties pour les salariés afin de sécuriser leur parcours professionnel et de construire des alternatives solides pour maintenir et sécuriser l’emploi.