D’où vient l’engagement du Cese à proposer aux citoyens de participer à des actions en faveur du développement durable ?


Thierry Cadart. Il faut remonter à la crise des « gilets jaunes » qui paraît loin aujourd’hui mais à travers de laquelle notamment on pouvait lire un besoin de participation citoyenne à la vie publique à la gestion de la transition économique et écologique. Le Cese a répondu à l’époque par un avis intitulé « Fractures et transitions, réconcilier la France » (mars 2019) dans le cadre du « grand débat » fait en coopération avec un collectif de citoyens. L’avis « Favoriser l’engagement civique et la participation citoyenne au service du développement durable » adopté le 17 octobre 2020 s’inscrit dans son prolongement. Les préconisations s'articulent autour de 3 axes : produire, valoriser, et diffuser les connaissances sur le développement durable ; mieux éduquer et former pour mettre en œuvre les objectifs de développement durable ; améliorer les outils et les dispositifs de participation citoyenne en faveur du développement durable.

En quoi est-ce différent d’un engagement militant dans la sphère de l’écologie politique ?

Th. C. Disons que nous nous projetons plutôt dans une démarche d’éducation populaire. Les préconisations sont un ensemble des pratiques éducatives et culturelles qui œuvrent à la transformation sociale et politique, qui travaillent à l'émancipation des individus et de la société. Nous entendons accroître leur puissance démocratique d'agir. L’individu est à la fois un consommateur, un travailleur, un citoyen… qui ne se découpe pas en tranches mais a besoin d’être épaulé vers une certaine unité de la personne. Lui donner les moyens de s’engager au travail, dans son quartier ou auprès de ses proches, par exemple, c’est s’intéresser à toute sa potentialité. Nous renvoyons au concept de « redevabilité ». Dans le contexte de la participation citoyenne, la redevabilité signifie devoir rendre des comptes sur son action ou sur son inaction et, selon la justification donnée, être exposé ou non à subir des sanctions. Il s’agit notamment de rendre compte de la façon dont les contributions issues de la participation sont intégrées ou non dans le processus décisionnel lié à la mise en œuvre d’un projet par exemple. La redevabilité est source de légitimité pour peu qu’elle repose sur des règles équitables et que ces dernières soient respectées.

D’où un panel de propositions pragmatiques sur différents thèmes qui permettent de s’approprier le développement durable...

Th. C. Nous nous gardons des grandes envolées qui, pour le coup, peuvent alimenter la défiance des citoyens, mais nous avons en tête que nous invitons à un changement d’échelle. La transition écologique, environnementale est à ce niveau d’engagement. On ne va pas développer de la démocratie participative sans être à la fois ambitieux dans la proposition de participation et pragmatique dans sa mise en œuvre. Les 18 préconisations visent des actions dans le cadre d’une démarche équitable, locale et cohérente. Il s’agit de s’appuyer sur les initiatives existantes en cherchant à les mettre en synergie. Mise en place d’indicateurs territoriaux, actions concrètes à l’école, formation des élus locaux, mission spécifique pour le conseil dans les entreprises, protection des lanceurs d’alerte, essaimage des projets participatifs, etc. : s’inscrivant dans une démarche optimiste et volontaire, nos préconisations veulent contribuer à la création d’une vision commune, à la construction active d’un futur désirable pour lequel la majorité des citoyennes et des citoyens, conscients des enjeux, pourront s’engager. Je pense que ces enjeux sont des leviers sur lesquels s’appuyer pour se sentir un peu plus acteur et un peu moins victime dans le difficile quotidien de la crise sanitaire qui éprouve notre capacité d’agir.

18 conseillers et conseillères nommés par la CFDT, dont Patricia Blancard, secrétaire nationale CFDT Cadres, siègent au Comité social, économique et environnemental.