Manager les nouvelles générations

Les organisations ont tout à gagner à recruter de jeunes salariés. En effet, l’âge moyen dans l’entreprise et la fonction publique est souvent proche de cinquante ans. La diversité est un enjeu et une richesse pour les équipes, une source de créativité, d’énergie et d’innovation.

On parle ici des moins de trente ans : une génération qu’on appelle parfois Y (après la génération X) ou « why » parce qu’elle ne se contenterait pas de la réponse « c’est comme ça » ! Son insertion est souvent difficile, le manque d’expérience lui est opposé, alors même qu’elle a très souvent une expérience professionnelle, via des stages en particulier. Pour eux, le diplôme est une valeur immédiatement transformable en emploi. Mais le recrutement se fait aussi sur la base de qualités personnelles et subjectives auxquelles s’ajoute une autre tendance (surtout en période de crise) consistant à recruter des personnes surqualifiées, jugées efficaces plus rapidement. Ce qui amène au déclassement probatoire avec le risque d’être démotivé très rapidement après avoir fait le tour du poste de travail1. Leur premier emploi reste un tremplin, un passage nécessaire pour valider les acquis.

Pour tous, c’est une évidence : le monde du travail a changé et le parcours est devenu individuel. Si l’entreprise demande toujours de la fidélité et de la loyauté, plus d’adaptatibilité et de disponibilité, elle ne respecte plus toujours sa part du contrat. Les nouvelles générations se sont adaptées au nouveau contexte, ayant intégré que leur métier changera et que leur vie professionnelle comportera des changements d’entreprise. La crise amène aussi les salariés, notamment les jeunes, à se poser différemment la question de leur rapport au travail. Le travail n’est pas tout. Ils veulent des règles claires et un contrat explicite entre eux et leur employeur, confortés par les difficultés d’insertion, le ressenti de méfiance et de vulnérabilité face aux exigences des entreprises, jugées parfois démesurées.

Bousculer les stéréotypes

Les nouvelles générations seraient individualistes, attachées à leur vie personnelle, moins à l’entreprise et toujours prêtes à la mobilité pour assurer leur avenir professionnel. Si leur engagement est fortement lié à la reconnaissance attendue (tant sous la forme financière qu’en perspectives d’évolution), il en est de même pour l’ensemble des salariés. Leur demande d’équilibre ne doit pas être vue comme un manque d’implication. Enfin, s’ils remettent en cause parfois ce que leurs aînés ont accepté, c’est plus par volonté de comprendre et d’équité. De fait, ils sont rarement les seuls à le penser, même s’ils sont parfois les seuls à l’exprimer. Concernant l’autorité, il faut savoir qu’elle sera interrogée plutôt que mise en cause par les plus jeunes, comme pour tout nouvel arrivant. L’autorité ne tombe pas du ciel mais est reconnue par l’expertise et l’exemplarité.

Si vous êtes un jeune manager et que bon nombre de vos collaborateurs sont plus âgés, il vous faudra affirmer vos compétences tout en restant à l’écoute.

Ces stéréotypes sont souvent à bousculer. La réalité est parfois différente. Chaque être humain, comme l’entreprise, est unique, et lié aussi à d’autres éléments (reconnaissance, rémunération, statut, sens du travail, charge de travail et équilibre de vie...). La manière dont le collectif se comportera est ainsi essentiel.

L’insertion dans le monde du travail est un moment-clé qui repose pour beaucoup sur le manager et sur la dynamique qu’il impulse dans son équipe sur une prise en compte de cette dimension spécifique. L’intégration est réussie lorsque les jeunes sont pleinement acceptés par le collectif, dans leur rôle et dans leur personnalité, lorsqu’ils savent se repérer dans l’entreprise et qu’ils sont opérationnels dans leur travail.

Ce qu’ils attendent des managers (comme tout nouvel arrivant) :

  • L’indispensable présentation aux collègues : le traditionnel tour des bureaux ;
  • Le suivi, qui peut aller du conseil opérationnel au soutien quotidien, voire parfois une demande de soutien psychologique ;
  • Une explication de leur poste (au-delà des mots utilisés lors du recrutement), ainsi qu’un bilan régulier de leur activité leur permettant d’être évalués et de juger de leurs savoirs.

Il importe de réussir à consacrer du temps (ce qui est le plus difficile2) et de l’écoute à la bonne intégration du nouvel arrivant. C’est un moment délicat (surtout si les ressources humaines sont peu présentes) : il s’agit de faire comprendre les règles et contraintes du service dont vous êtes garant, l’intérêt de l’équipe et de l’entreprise (et pas seulement individuel). Cet aspect des choses est un élément crucial pour une intégration réussie. Il faut être prêt à expliquer le pourquoi et le bien-fondé de certaines règles, créées à partir de l’expérience et non pour les ennuyer.

C’est à vous (et ce quel que soit votre son âge) de clarifier les règles du jeu et d’expliciter le « donnant-donnant », de clarifier le poste et ses attendus, de montrer la cohérence et la solidité des missions, de faire comprendre le sens de l’action et sa direction.

Une fois l’intégration réussie, la manière de manager les jeunes n’est pas foncièrement différente de ce qu’il convient de faire à l’égard de tous les salariés. Un comportement exemplaire est seul susceptible de créer de la confiance là où il peut y avoir une distance défiante vis-à-vis de l’entreprise. Il faut donc être aussi juste et transparent que possible, être la personne de confiance. A vous de favoriser des relations équilibrées, de garantir une organisation du travail qui rende possible la conciliation avec la vie personnelle, la cohérence de l’équipe, dans le respect des objectifs. Cela va de pair aussi avec des moments conviviaux et de partage.

Favoriser les diversités

La diversité est un atout professionnel. Or, les discriminations à l’embauche demeurent très fortes. En France, près de quatre fois sur cinq, l’employeur préfère embaucher un candidat « d’origine hexagonale ancienne » plutôt qu’un autre « d’origine maghrébine » ou « noire africaine » d’après une enquête du Bureau international du travail3. Les discriminations « se manifestent sous une forme assez sournoise de discrimination » quand le candidat discriminé est mis en attente alors que le candidat au nom à « consonance française » reçoit une proposition d’entretien. On peut rappeler que les pratiques de discriminations sont des délits, donc passibles de sanctions pénales.

Respecter et promouvoir l’égalité des chances, sur la base des compétences, sans distinction aucune, notamment de sexe, d’âge, d’orientations politiques, sexuelles, religieuses, de caractéristiques physiques ou d’origine ethnique, est un facteur d’enrichissement collectif, de cohésion sociale et d’efficacité économique pour les entreprises. La réponse n’est pas simplement mécanique ou mathématique, mais culturelle. Il faut faire évoluer les mentalités pour intégrer des profils différents. Les profils différents sont source de créativité et d’innovation.

Quels sont les conditions de réussite de la diversité ?

  • Le soutien de la direction générale avec des engagements forts,
  • Votre propre mobilisation sur ces enjeux,
  • La sensibilisation de votre équipe, notamment au moment de l’intégration, et en en discutant collectivement,
  • La discussion avec ses pairs des pratiques pour éviter de discriminer.

Favoriser le travail des seniors

La part des seniors de plus de cinquante-cinq ans parmi les actifs est en augmentation constante. Il y a cependant un écart entre le consensus apparent sur la nécessité de travailler plus longtemps et la réalité des envies (des plus âgés et des entreprises). Les quinquagénaires sont très nombreux à demander à partir (parfois malgré eux quand les conditions sont devenues trop dures) et les entreprises préfèrent recruter des salariés plus jeunes qui leur coûtent moins cher et financer le départ des plus anciens. Tout se passe comme si l’évolution de carrière ne concernait plus les salariés après quarante-cinq ans, alors même qu’il peut rester de longues années d’activité et que retrouver un travail est difficile4.

Aujourd’hui, avec l’augmentation de la durée de cotisation pour la retraite, vous avez à gérer des salariés plus âgés. Il faut anticiper leur départ en retraite pour réfléchir quelles sont les transmissions de connaissances à prévoir, quel remplacement (on peut en profiter pour faire évoluer le poste). Avec une difficulté supplémentaire, connaître avec précision et anticiper le moment réel du départ. En effet, beaucoup de salariés prolongent d’un trimestre à plusieurs années leur départ, et en même temps ils sont capables de partir presque du jour au lendemain si à leurs yeux les conditions ne sont plus réunies. Il faut arriver à les motiver sans pour autant pouvoir toujours leur proposer une augmentation. Cela oblige aussi à travailler collectivement sur l’organisation du travail. Le temps partiel dans le service avec les différents accords le prévoyant et l’élargissement de la retraite progressive peut être une solution utile et attendue. Pour les seniors, leur perception de leur conditions de travail (incluant le travail lui-même) est un élément essentiel.

Favoriser l’égalité homme-femme

Au-delà des discriminations directes (en termes de recrutement, salaire, promotion), pénalement répréhensibles, les femmes sont souvent victimes de discriminations indirectes.

Lors des entretiens professionnels, assurez-vous notamment des possibilités d’évolutions tant pour les collaboratrices que pour les collaborateurs. A noter que certaines questions d’ordre privé telles que « envisagez-vous une maternité dans l’année ? » sont prohibées !

Dans la fonction publique aussi, le statut ne protège pas des inégalités.

Contrairement aux idées reçues, la discrimination salariale et d’évolution de carrière pénalisant les femmes est aussi importante, voire plus que dans le secteur privé5. Le plafond de verre qui empêche les femmes d’accéder aux postes dans l’encadrement supérieur du public est très épais et est loin de refléter la présence majoritaire des femmes parmi les catégories A. Les différences salariales se jouent sur les primes.

Le jeune accord sur l’égalité professionnelle dans la fonction publique constitue un bon levier pour agir sur ces écarts. A partir de l’obligation de produire des données fiables sur la base du rapport de situation comparée, il est possible de dresser un diagnostic et un plan d’action.

1 : Le déclassement touche 10 à 15 % des jeunes diplômés. Cf. Philippe Lemistre, Déclassement et chômage : une dégradation pour les plus diplômés ?, Net. Doc n° 123,2014. On parle de déclassement probatoire, car de fait il agit comme une période de probation, les jeunes finissant par être reconnus. Avec la crise actuelle, ce déclassement peut passer de probatoire à permanent.

2 : Cf. Apec, L’Intégration des jeunes diplômés sur le marché de l’emploi, mai 2014.

3 : BIT, Les Discriminations à raison de « l’origine » dans les embauches en France, 2007.

4 : Cf. Apec, Les Cadres seniors plus touchés par le chômage, oct.2013.

5 : Cf. CFDT Cadres, Enquête La Parole aux A !, 2012 à télécharger sur www.cadresFP.fr.