Cet ouvrage intéressant n'est cependant pas commode à commenter avec « objectivité ». Il présente en effet, à la fois, des opinions arrêtées qui dérivent parfois vers des simplifications mais également des approches nouvelles peu communes.

Au chapitre des opinions arrêtées on notera : Maastricht considéré par l'auteur comme une erreur stratégique et historique qui veut abolir des peuples et des nations par une fusion monétaire, le libre-échange qui crée les conditions objectives d'un retour au capitalisme le plus archaïque, la Nation qui enferme les riches et les pauvres dans un réseau de solidarités est pour les privilégiés une gêne de tous les instants : dans l'utopie monétaire européenne, les populations qui travaillent et consomment n'ont plus leur place.

Emmanuel Todd ne se contente pas d'exprimer des convictions ce qui est évidemment légitime et respectable mais il tire parfois de celles-ci des interprétations qui confinent à l'outrance. Il en est ainsi, de celles relatives au vote du référendum concernant la ratification du traité de Maastricht, de l'affaissement des croyances auxquelles se substituerait le Dieu Monnaie ( !!), du rôle des catholiques en rupture de croyance et, d'amalgamer, la « deuxième gauche » dont la CFDT, le rocardisme et le delorisme dans la genèse de Maastricht et les « origines religieuses de la foi monétaire » (sic).

D'autant qu'au chapitre des approches nouvelles plusieurs analyses méritent attention :

  • la compréhension de la crise du monde développé articulée à partir de trois niveaux distincts : économique, culturel et anthropologique,
  • la distinction à opérer entre le système anthropologique « nucléaire absolu » du monde anglo-saxon, individualiste et le système « souche » allemand ou japonais intégrateur : deux types familiaux, deux modes de régulation socio-économiques, deux capitalismes dont l'affrontement asymétrique donne une bonne partie de son sens au processus de la globalisation,
  • les développements culturels de l'essai sont, avec des données relatives à plusieurs pays concernant l'alphabétisation, l'évolution des diplômés scientifiques, le déficit démographique des sociétés « souches », les bienvenus.

Ce livre s'inscrit dans un courant qui, à juste titre, critique la domination de cette science (humaine) inexacte par « construction » qu'est l'économie réduite parfois à sa caricature, la « pensée unique ».

L'auteur se situe dans le même créneau que « L'horreur économique » de Viviane Forestier (Ed. Fayard) et « Les trente piteuses » de Nicolas Baverez (Ed. Flammarion).

Bref, un essai intéressant, obsédé cependant par quelques opinions ou partis pris, qui parfois n'échappe pas à d'inutiles caricatures.