L’effet de serre est un phénomène naturel qui nous permet depuis plusieurs milliers d’années d’avoir à la surface de la terre une température moyenne autorisant la vie humaine. Mais l’inquiétude aujourd’hui, c’est que l’homme a créé depuis le début de l’ère industrielle un effet de serre additionnel qui s’est fortement accentué dans la deuxième moitié du XXe siècle et qui menace l’équilibre climatique général. Si les experts du GIEC (Groupement international d’experts sur le climat) étaient partagés dans leurs premiers rapports, les conclusions du dernier publié en 2001 sont unanimes et sans appel : les activités humaines sont responsables de l’accélération du réchauffement climatique. Celui-ci ne sera pas uniforme sur la planète et aura des conséquences diverses selon les latitudes mais l’ordre de grandeur est approché : entre 2 et 5 °C. Fonte des glaciers de l’Antarctique, hausse sensible du niveau des mers, modification du cours du Gulf Stream, autant d’effets imaginables mais difficiles à prévoir de façon précise. Cette modification profonde de l’équilibre climatique pourrait entraîner un bouleversement géopolitique devant lequel nous ne pouvons rester indifférents ou attentistes : des populations insulaires seront contraintes à migrer vers d’autres régions, les régions désertiques pourraient s’étendre quand de nouvelles zones deviendraient fertiles (Sibérie par exemple). Les choix ou non choix des uns et des autres ont aujourd’hui des conséquences pour tous : les gaz à effet de serre ne connaissent pas les frontières et se propagent très rapidement à l’ensemble du globe, qu’ils soient produits par les centrales à charbon chinoises ou américaines ou qu’ils émanent des appareils de climatisation européens.

Cependant la globalisation du problème ne nous exonère pas d’une responsabilité individuelle, nationale et européenne dans ce débat.

Le global et le local

Les conférences de Rio puis de Kyoto ont posé les premières bases d’une gouvernance mondiale face à ce défi posé au XXIe siècle. Le protocole de Kyoto marque l’engagement dans l’action des 156 pays signataires. Les pays développés s’y sont engagés jusqu’en 2012 à réduire globalement leurs émissions de GES (Gaz à effets de serre). Chaque pays l’a ensuite décliné en objectifs nationaux liés à sa perspective de croissance et à son engagement politique dans ce dossier. L’Europe a décidé que ce problème relevait du domaine communautaire et a affiché (pour les 15) un objectif de réduction moyenne de 8 % à l’horizon 2012. Les Etats-Unis, pour ne pas freiner leur économie ni remettre en cause leur mode de vie, se sont en 2001 retirés du dispositif. Cette position politique globale cache cependant celles d’Etats fédéraux engagés à leur niveau dans une politique active de réduction des GES et également les efforts de recherche mis en œuvre par les Américains pour trouver des solutions techniques et industrielles permettant de réduire les émissions de GES.

Cette question demande un effort conjoint des pays du Nord et du Sud. A l’évidence, tous ne peuvent contribuer au même niveau. Comment prévenir le changement climatique quand les questions essentielles restent celles de la pauvreté et du droit au développement ? Au-delà de l’équité, les différences résident aussi dans l’équilibre entre la densité démographique, l’essor économique et les ressources énergétiques dont disposent les différents pays.

Le protocole de Kyoto a tenté de répondre à ces situations très diversifiées : aux pays industrialisés, il a imposé un mécanisme de « quotas d’émission » que chaque pays a traduit en objectifs précis (permis d’émission négociables) et qui ont fait naître un « marché carbone » basé sur les échanges entre les pays « vertueux » qui diminuent leurs émissions et disposent ainsi de quotas qu’ils revendent à ceux qui n’ont pas pu améliorer leurs processus industriels et réduire leurs émissions. Cet effet de marché doit conduire progressivement à une réduction globale des émissions. Ce mécanisme a fait ses preuves au Etats-Unis dès les années 1970 avec les dioxines de souffre, même si cette « marchandisation » du problème pose question.

Le protocole de Kyoto encourage également le développement de projets d’investissements pour aider les pays du Sud et les pays émergents à réduire leurs émissions. Ces projets validés par les Nations Unies ouvrent droit à des crédits de « réductions d’émission » pour les pays qui s’y engagent.

La position de la France est atypique par rapport aux autres pays européens, et ce pour plusieurs raisons : l’énergie électrique produite est essentiellement d’origine nucléaire (77 %) donc sans émission de gaz carbonique ce qui nous placerait plutôt parmi les « bons élèves » mais paradoxalement les émissions liées aux modes de transport et au développement du résidentiel tertiaire croissent rapidement et celles liées à notre production agricole sont toujours beaucoup plus élevées que dans les autres pays européens. Le nucléaire ne nous exonère donc pas d’efforts conséquents. Sans politique nouvelle, nous ne serons pas en mesure de satisfaire aux engagements du protocole de Kyoto. La France a ainsi décidé en 2004 de lancer un Plan climat et s’est donnée pour objectif une réduction par quatre des émissions de GES d’ici 2050, un projet appelé « Facteur 4 ».

Dans ce contexte, les avis produits par le Conseil économique et social s’attachent à préconiser des mesures de politiques publiques pour développer la sensibilisation des citoyens mais aussi assurer la régulation des intérêts économiques, des questions d’aménagement de territoires et de l’intérêt public qui ne sont pas la simple addition d’intérêts individuels mais nécessite une véritable stratégie collective.

Microéconomie de l’effet de serre

Réduire nos émissions de gaz carbonique, c’est modifier nos comportements en matière de consommation d’énergie : le secteur des transports est l’un des plus polluants. Les efforts des constructeurs en matière d’efficacité énergétique sont contrecarrés par le développement important du véhicule individuel. L’usage privé de la voiture génère plus d’émission de GES que les transports de marchandises. Le renchérissement du coût de l’énergie va peut-être contribuer à une prise de conscience mais parallèlement les coûts de l’immobilier ont entraîné des constructions d’habitat diffus loin des villes et ainsi des contraintes de déplacement domicile-travail très coûteuses pour l’environnement. De même l’implantation des commerces en périphérie impose des transports tant pour les clients que pour les fournisseurs et génèrent surcoût et pollution dommageables pour tous. Les politiques de transport en commun, d’aménagement de l’espace urbain et périurbain ont ainsi des conséquences structurantes pour l’avenir.

Le secteur du bâtiment est également un enjeu important : la tendance à l’offre rapide au moindre coût, conduit à des constructions neuves de mauvaise qualité thermique et donc consommatrices d’énergie pour lutter contre le froid l’hiver et contre la chaleur l’été. La fiscalité peut dans ce domaine, inciter à améliorer les comportements individuels.

N’oublions pas que si les grosses industries polluantes sont souvent montrées du doigt, la moitié de la consommation énergétique française est aujourd’hui le fait des ménages. Les responsabilités sont donc partagées.

Celle des pouvoirs publics, c’est de réguler les politiques économiques et d’aménagement mais aussi de sensibiliser les citoyens sur les risques à venir : chacun doit pouvoir mesurer les impacts de son propre comportement, avoir connaissance des éléments de décision qui sont à sa portée. Notre société semble avoir pris conscience de ces enjeux mais n’entrevoit pas encore les solutions et a peur des coûts.

Pourtant le constat est sans appel : si toute l’humanité vivait au rythme des pays développés dont nous sommes, il faudrait trois planètes pour faire face à la demande d’énergie. Notre mode de consommation nous conduit droit dans le mur. Une évolution est possible si nous apprenons à consommer mieux. Un effort de créativité est nécessaire pour imaginer un autre futur pour le XXIe siècle sans forcément altérer notre niveau de vie mais en respectant mieux les équilibres naturels pour assurer un avenir vivable au nord comme au sud de notre planète. Cette question est aussi celle des mécanismes de décision démocratique qui doivent prendre en compte les intérêts de tous les acteurs dans une approche transversale et mondiale. Ce sera le défi du XXIe siècle.