Ce livre est avant tout une somme de constats (un peu trop fatalistes?) qui surfe sur le caractère inquiétant, inéluctable et imprévisible des restructurations, à l’origine, d’ailleurs, de l’incompréhension qu’elles suscitent auprès du plus grand nombre.

La première partie montre comment la mondialisation et l’économie de marché ont infléchi voire affaibli les capacités stratégiques des entreprises.

Les mutations technologiques et les transformations économiques ont imposé des restructurations incessantes qui remettent en cause les modèles sociaux ainsi que ceux de la gouvernance traditionnelle. A cette occasion plusieurs éléments sont abordés et analysés tels que l’horizon décisionnel réduit des dirigeants, l’efficacité discutable des fusions acquisitions ou les déterminants insuffisants des choix des délocalisations. Enfin les deux derniers chapitres traitent des mutations de l’emploi en Europe à travers l’émergence de nouveaux concepts comme la flexisécurité et nous interrogent surtout sur l’avenir des bases démocratiques des états nations européens.

La deuxième partie se focalise plus particulièrement sur l’identification des paramètres qui structurent la conduite d’un changement, ainsi que sur la mesure de son efficacité au regard notamment de la qualité du dialogue social.

Il est fait état, par exemple, de la pertinence des critères d’évaluation de la performance d’une entreprise sur le long terme, au regard d’un plan de suppression d’emplois. De même il apparaît clairement que l’adhésion des salariés au changement devient d’autant plus critique que la périodicité des réorganisations s’accélère. Les chapitres suivant interrogent sur l’efficacité des acteurs syndicaux d’entreprises face à ces changements, abordant au passage la complexification des problèmes de reclassement et de ce fait, la nécessaire mise en place de processus GPEC performant. Enfin cette partie aborde rapidement la nécessité de coopérations multi-acteurs au sein d’une région sinistrée ainsi que l’émergence du modèle de l’entreprise en réseau.

Le troisième chapitre traite des systèmes normatifs et culturels institutionnels qui orientent les opérations de restructuration à travers la question de l’évolution du partage des responsabilités et de l’importance accordée à la recherche d’équité et de légitimité. Ainsi, force est de constater que les instances européennes, en l’absence de choix politiques, tendent à légitimer la régression des compromis sociaux en demandant aux individus d’être plus flexibles pour mieux gérer leur trajectoire. On assiste alors, et dans le meilleur des cas (sous l’impulsion des partenaires sociaux), à l’émergence de la softlaw sous la forme d’accords d’entreprise ou de chartes qui pourraient participer, in fine, à la construction de nouveaux standards sociaux.

Les auteurs souhaitent délivrer un message politique. Ils nous mettent en garde sur l’accélération des restructurations d’entreprise, certes nécessaires, mais qui sous couvert de la seule performance économique font dériver le droit vers la softlaw.

Cette inquiétude est renforcée par un manque de vision politique de l’Europe, qui sous les coups de boutoirs d’une mondialisation parfois court termiste, est en passe de perdre ses fondamentaux. Au passage, ce livre reprenant de nombreux thèmes développés par la CFDT, conclut sur la nécessité d’un syndicalisme fort et représentatif qui doit participer à l’évolution des repères normatifs, mais sans sacrifier à la logique financière, les valeurs collectives qui ont fait notre continent. En un mot les entreprises doivent se restructurer, mais en aucun cas se substituer aux Etats.