2011, l’année européenne du bénévolat et du volontariat, se termine. Que dire aujourd’hui de ce qu’elle laissera comme trace dans l’espace commun européen tout comme dans l’espace français ?

Le bénévolat exprime davantage la destination de l’action (vouloir faire du bien, avec d’autres, en général en vue du bien commun, à temps limité) et le volontariat la forme d’engagement (démarche singulière assumée, associée à un contrat, à temps plein) ; mais chacune de ces deux dimensions se retrouve sous l’autre forme : il est rare que le bénévolat ne soit pas une démarche personnelle assumée et que le volontariat n’ait pas pour destination le bien commun. Mais cela existe, on le verra.

Quant au lien avec le travail salarié, forme classique d’emploi, les interfaces sont nombreuses.

Volontariat(s) et emplois

A l’époque, pas si lointaine du service militaire, être « volontaire du service national actif » était une alternative au service sous les drapeaux, en général plus longue et effectuée de façon quasi bénévole au sein d’une ONG à l’étranger via des organismes français (Les Volontaires du Progrès, la DCC). Cette voie s’est éteinte le 31 août 2001 avec la fin de la conscription. Cette forme d’engagement solidaire a trouvé une suite après plusieurs années de mobilisation des ONG de Solidarité Internationale, par l’adoption en 2005 d’une loi sur le volontariat de solidarité internationale (VSI). Le premier élément marquant de cette réforme est la reconnaissance juridique du volontariat en tant que statut à part entière, à la fois distinct du bénévolat et du salariat

Depuis une dizaine d’années, être volontaire international recouvre aussi le fait de « partir pour une mission professionnelle à l’étranger tout en bénéficiant d’un statut public protecteur », soit comme « volontaire international en entreprise (VIE) » le plus souvent, soit comme « volontaire international en administration (VIA) ». Ces volontariats se situent clairement sur le champ de l’activité économique ordinaire sans finalité sociétale particulière. LE VIE est un contrat de travail aidé permettant à des jeunes diplômés d’être embauchés sur des postes basés à l’étranger : c’est souvent un sas supplémentaire en vue d’un recrutement ordinaire.

Plus récemment, le Service Civique a été institué. Il permet aux personnes de moins de 25 ans de s’engager, pour une période de 6 à 12 mois dans une mission en faveur de la collectivité. Les volontaires en Service Civique bénéficient d’une protection sociale intégrale. Selon les situations, ils perçoivent entre 550 et 650 euros par mois, financés par l’Etat pour environ 80 %.

Pour finir de façon provisoire et sémantique sur la question du volontariat, notons que cette notion impacte le contrat de travail ordinaire, par exemple quand il s’agit d’un plan collectif de départs « volontaires » (une notion issue d’un accord national de 1969), ou bien sur le plan individuel d’une rupture conventionnelle qui nécessite la volonté des deux parties (ANI de 2008). De même, le télétravail décrit par l’ANI de 2005 requiert un double volontariat : celui du salarié et celui de son employeur. Sur ce sujet on lira avec intérêt les « libres propos » de Pascal Lokiec dans la revue Droit Social de février 2010 sur « l’accord du salarié ». Ou encore, l’article de François de Maigret paru dans notre revue en août 2009 et intitulé « volontariat et recommandations : nouvelles pratiques, nouvelles dérives ».

Bénévolat et salariat

Ces deux situations ne sont pas toujours disjointes, comme le montrent différents cas de salariés. Il en va ainsi du salarié qui prend un congé de solidarité internationale (lequel nécessite l’accord de l’entreprise) pour être bénévole six mois dans un camp de réfugiés au Rwanda et y apporter sa compétence de logistique. Il en va aussi du salarié, bénévole ou soutien d’une association, qui présente le dossier de financement de celle-ci auprès de la fondation d’entreprise de son entreprise. Il en va également du salarié qui, sur son temps de repos ou de congé épargné dans son compte épargne temps (CET), se mobilise en faveur d’une association soutenue par l’entreprise du salarié (il est des cas où ce salarié bénéficie pour cela d’un abondement de son CET par l’entreprise comme cela est spécifié dans l’accord SFR non signé par la CFDT). Et enfin du salarié mobilisé ou sollicité par sa direction d’entreprise pour participer à des actions de solidarités locales, de soutien scolaire, etc. (cf. par exemple les parrainages via la fondation FACE). Cette forme d’enrôlement du salarié dans la politique RSE de son entreprise a été décrite par Sandra Enlart lors d’un séminaire de l’OdC.

Sans pouvoir mesurer leur évolution, ces différentes facettes du couple bénévolat / salariat semblent afficher une certaine croissance. Dans ces différentes configurations, le triptyque « entreprise / salarié / association » est plus ou moins resserré, fait ou non d’obligations réciproques et d’émancipation, porteur ou non d’évolution professionnelle, de mieux-être au travail, de réflexion sur l’engagement. Ainsi, un membre d’ISF (ingénieurs sans frontières) s’interrogeait : « est-ce tenable de passer son week-end à réparer la terre (ou la société) qu’on a abîmé toute la semaine ? Dès lors, comment agir dans l’entreprise en citoyen ? » Et tout récemment, le Président d’Emmaüs France faisait remarquer que dans le cadre de partenariats entre des entreprises et Emmaüs, partenariats engageant des salariés dans des actions menées par l’association, l’enrôlement compassionnel se transformait chez certains salariés en engagement militant. La conciliation vie privée vie professionnelle trouve là de nouveaux champs de tension.

Et pour les étudiants ?

Le volontariat ouvre pour un certain nombre de jeunes une alternative à l’emploi, un recours face au contrat CDI indécrochable, un pas de côté dans le cursus linéaire des études, une séquence de vie où le sens donné est privilégié par choix ou par défaut. Il manque d’études pour savoir ce que cela apporte au volontaire pour son parcours professionnel. Le tout récent partenariat entre l’Apec et UbiFrance (agence du volontariat international en entreprise) devrait être l’occasion de combler ce vide.

Certains établissements d’enseignement supérieur valorisent sous forme d’ECTS l’engagement associatif de certains de leurs étudiants (l’INSA de Toulouse par exemple) tout à la fois pour soutenir le bénévolat - voire l’encourager face à la posture de consommateur - et y reconnaître l’acquisition de certaines aptitudes utiles pour l’univers du travail.

Le bénévolat étudiant vient de faire l’objet d’un « testing » original par le Centre d’Etude de l’Emploi (CEE). A rebours des idées qui circulent et qui sont véhiculées (l’engagement associatif durant les études est valorisable et valorisant sur un CV), les chercheurs du CEE ne mettent pas en avant un effet probant de ce type d’engagement sur l’accès aux entretiens de recrutement avec les profils testés sur des postes identifiés. L’étude montre aussi que l’engagement bénévole n’est pas d’abord recherché pour pouvoir faire figurer une ligne de plus dans le CV !

Une affaire de société, de générations et de travail

Ce « testing » a été réalisé grâce à un financement octroyé dans le cadre de l’année européenne qui s’achève : la question mérite un approfondissement. La prochaine année européenne est consacrée au vieillissement actif, dans le travail comme hors du travail, nous y revoilà. Il y a quelques années, le rapport du CESE présenté par notre collègue Monique Boutrand (CFDT) faisait état de l’apport indéniable de l’engagement bénévole des retraités à la qualité de la vie sociale.

L’engagement bénévole, et son acceptation sociale, doit pouvoir trouver place dans toutes les tranches de vie, en desserrant l’étau du temps (trop) plein de travail de la génération des 3 -55 ans. Cela mérite mieux qu’une obligation de travail gratuit pour les chômeurs comme un certain ministre le proposait il y a peu encore !