Le management peut s’exercer de différentes manières.

Manager en mettant « la pression » ou adopter certains comportements est condamnable ! La jurisprudence considère que des méthodes de gestion peuvent caractériser un harcèlement (Cass. soc., 19 janvier 2011, n° 09-67463). Avoir « un comportement autoritaire, vexatoire, humiliant, voire insultant et menaçant à l’égard de ses collaborateurs, notamment en les convoquant dans son bureau de façon excessive et répétée, en les interrompant sans cesse dans leur travail » peut compromettre leur santé et justifie un licenciement, même si le manager subissait lui-même des pressions (Cass. soc., 21 mai 2014, n° 12-29832).

Un mismanagement, autrement dit une incapacité de gérer correctement ses collaborateurs, est très souvent à l’origine de stress (un salarié sur trois explique que ce dernier est directement lié au comportement de son supérieur hiérarchique) et même de burn-out. Le collaborateur attend avant tout du respect de la part de son manager.

Favoriser l’émancipation

Un salarié est avant tout une personne avec ses forces, ses faiblesses, ses contraintes mais aussi ses envies. L’émancipation, en tant que principe d’action de la CFDT, recouvre une dimension qui dépasse la sphère professionnelle. Progresser en autonomie, en compétences, en qualification, en capacité de recul, de réflexion ou d’analyse ne se limite pas au professionnel. C’est l’émancipation de la personne dont il s’agit. La CFDT a toujours été attachée à la promotion supérieure du travail, à la promotion professionnelle et sociale. La démarche que recommandent les managers CFDT est d’avoir un souci permanent de l’émancipation de chaque membre de son équipe. En tant que manager, vous êtes un acteur favorisant ou créant les conditions de cette autonomie de la personne au travail et dans la gestion des relations professionnelles avec les collaborateurs. Cela signifie, entre autres, de :

  • Permettre une progression dans le parcours professionnel de chacun de ses collaborateurs par l’évaluation régulière et l’accompagnement (surtout en cas de difficultés). L’entretien professionnel peut en être un élément central.
  • Reconnaître le travail de ses collaborateurs, savoir les féliciter, souligner et valoriser les actions positives, noter et parfois recadrer ou sanctionner les dysfonctionnements.
  • Prendre en compte leurs compétences, leurs désirs, leurs contraintes professionnelles et personnelles dans l’affectation des missions à accomplir. Il s’agit de trouver la bonne place (« The right person, in the right place, at the right time » disent les anglo-saxons) et permettre la motivation de chacun. C’est une tâche complexe toujours inachevée !

Le manager est aussi un formateur : l’attachement à l’entreprise est aussi lié au sentiment d’y acquérir des compétences et des connaissances. Le manager devrait s’assurer que tout collaborateur est mis en situation de les acquérir. Il s’agit de « faire grandir » en connaissance et en autonomie.

Avoir un comportement loyal et exemplaire

Il s’agit d’avoir un comportement loyal, transparent et exemplaire mais avant tout professionnel et qui respecte la confidentialité nécessaire.

La loyauté envers l’entreprise ne se confond pas avec l’obéissance hiérarchique et le lien de subordination (qui découle aussi du contrat de travail ou de l’engagement dans la fonction publique). Elle ne se confond pas non plus avec la conscience professionnelle qui renvoie plutôt au bon aboutissement de la mission. Elle s’exprime de manière différente envers la direction ou envers ses collaborateurs5. La loyauté, dans les actes comme dans les discours en interne et en externe, n’est pas l’aveuglement et elle est trop souvent reliée à l’obéissance. Dire « oui » doit aussi s’entendre comme étant parfois le devoir de dire « non » quand des comportements ou des ordres heurtent la conscience, la déontologie professionnelle, l’éthique, voire les valeurs de l’entreprise.

L’exemplarité renvoie essentiellement au comportement qui doit être un modèle. Un exemple qui renvoie à des valeurs tant humaines (le respect, la solidarité…) que professionnelles (le sens du client, de l'usager…) dans les compétences mises en œuvre, les méthodes employées et la manière de travailler (ou de servir dans la fonction publique). Elle implique aussi de parler vrai. « Parler vrai » doit s’entendre comme « parler aussi vrai que possible » en respectant ses collaborateurs et les règles de confidentialité.

On parle aussi souvent d’engagement. L’engagement est avant tout corrélé à la notion de liberté. S’engager, c’est d’abord une démarche volontaire qui résulte d’un choix (et qui s’inscrit dans les tendances individualistes observées aujourd’hui dans la société). Pour les jeunes diplômés notamment, l’engagement n’est pas forcément du ressort du collectif. Il y a aujourd'hui une nette distinction (notamment par les plus jeunes – et avec eux les plus jeunes managers) entre un engagement à l’égard du travail et un engagement à l’égard de l’entreprise.

  • L’engagement à l’égard du travail est largement valorisé. C’est un modèle à atteindre, spontanément associé aux notions de professionnalisme, d’implication et de qualité. Très autocentré, il repose essentiellement sur le plaisir à bien faire son travail et sur l’accomplissement de soi.
  • L’engagement à l’égard de l’entreprise privée apparaît à l’inverse de plus en plus rejeté, notamment pour les jeunes, un peu comme un anti modèle qui ne vaut que pour « les plus anciens » dans l’entreprise, les « chefs » et ceux qui « n’ont que le travail dans la vie ». L’engagement à l’égard de l’entreprise est perçu comme synonyme de fidélité aveugle, de réalité subie et donc de privation de liberté.
  • L’engagement à l’égard du service public implique l’acceptation des valeurs de continuité du service, d’égalité de traitement (c’est-à-dire de laïcité, de neutralité, d’intégrité et d’impartialité), et d’adaptabilité.

In fine, vos collaborateurs attendent de vous une capacité à décider et à tenir vos engagements. Cela participe aussi à l’ambivalence du rôle de manager qui se sent aussi engagé à l’égard de l’entreprise. Cette exigence peut conduire à des dilemmes professionnels, à la nécessité d’alerter dans certains cas et à partager un vécu avec d’autres managers.

Un management responsable…

Manager des personnes, des équipes ou des activités implique de travailler en proximité, de comprendre la réalité du travail, d’influer sur les résultats et de connaître le ressenti des salariés, agents, collaborateurs sur le sens et la qualité de leur travail. Cela impose de faire fonctionner un collectif en maintenant l’équilibre entre approche individuelle et collective, en créant les conditions d’un dynamisme d’équipe et une envie de travailler ensemble. Cela veut dire également de négocier pour que son équipe ait les moyens et les ressources nécessaires.

Faire fonctionner un collectif, c’est rechercher les conditions d’une organisation du travail optimale qui permette le partage et la transmission des connaissances et les moments d'échanges. C’est mutualiser les expériences et favoriser l’amélioration des compétences individuelles comme collectives.

Ce partage d’expériences et la liberté de parole (sans jugement et dans des conditions respectueuses des autres) permet de progresser s’il est associé à un droit à l’erreur. Cela suppose d’accepter l’expression de critiques, de désaccords et l’exercice du droit d’alerte de ses collaborateurs. Ces temps d’expressions collectifs peuvent souvent désamorcer des conflits, mais parfois aussi les mettre à jour.

Manager, c’est savoir expliquer. C’est aussi savoir accepter de faire des erreurs : les managers, comme les collaborateurs, ne sont pas infaillibles ! Être responsable, c’est savoir se remettre en cause et prendre le temps de l’écoute. Non pas pour être compatissant mais simplement pour comprendre et partager la réalité du travail en étant conscient que l’autre détient une part de vérité. Les certitudes sont l’un des plus grands dangers qui menacent le manager !7

À l’heure où les qualités personnelles, comportementales et la « façon d’être » sont largement mises en avant (parfois au détriment des qualités professionnelles et des compétences), la légitimité par le métier, l’expertise et les savoir-faire doit être réhabilitée. Celle-ci participe de l’autorité fonctionnelle et pas seulement hiérarchique (jouer un rôle et ne pas seulement occuper une place ou un rang...). Si vous le pouvez, conservez une logique et une compétence métier car, en tant que manager, vous avez à exercer une autorité hiérarchique et de métier. Cette autorité n’est pas automatique, notamment avec les technologies numériques de l’information et de la communication. Elle engendre une exigence de réponses et de transparence plus élevée.

Si la réponse qu’on leur apporte ne leur paraît pas juste, vos collaborateurs n’hésiteront pas à aller en vérifier la véracité. L’autorité devra s’appuyer sur des compétences. Même si dans les fonctions publiques, l’autorité est sans doute moins facilement mise en cause, vous le savez il vaut mieux obtenir en étant convaincant. De même l’expertise métier vous garantira une certaine légitimité.

Enfin, les collaborateurs attendent que leur manager soit juste et équitable. Il lui faudra viser un maximum d’équité dans les rémunérations, les promotions, les mobilités et les sanctions. Mais également la reconnaissance des compétences et du travail effectué (en lien avec les équipes RH, le cas échéant).

Par ailleurs, la gestion humaine, c’est aussi l’accueil et l’encadrement de stagiaires (ou d’alternants), s’assurer de la diversité (entre hommes et femmes, entre générations, entre populations…), le respect des clients/usagers (internes et externes), des intérimaires et des sous-traitants… Le manager doit s’adapter à ses collaborateurs pour les accompagner selon leurs besoins dans et en veillant à respecter l’équité.

… Qui cherche des résultats

En tant que manager, il faut « faire avec », faire avec le trop-plein d’outils de gestion et de reporting, faire avec l’individualisation outrancière et la compétition excessive, qui sont le lot de beaucoup d’organisations ! Faire avec la logique de la « sur-gestion » et du sous-management. Ce sont des modalités différenciatrices de ce « faire avec » que nous proposons… La CFDT conteste un pilotage par les seuls critères financiers, définis en dehors de l’activité réelle et sans la moindre concertation avec ceux qui font le travail réel.

Manager, c’est produire des résultats. C’est transformer du travail en performance. Par votre action, vous contribuez à la performance collective de votre équipe et à celle, plus largement, de votre entité, entreprise ou administration. Pour être efficace, soyez en cohérence avec vos valeurs, pour être plus qu’un simple rouage transmettant mécaniquement à ses collaborateurs des informations ou des procédures. Assurez un travail de médiation dans les deux sens : traduire la stratégie en actes et faire remonter l’activité de travail concrète, indispensable à l’élaboration d’une stratégie efficace. Une boucle permanente entre la stratégie et son écho dont vous êtes est un acteur incontournable, et ce quelle que soit votre position hiérarchique.

Vous êtes sans doute confronté à la dictature des indicateurs chiffrés (qui ne croule pas sous les tableaux de bord de gestion ?) et du reporting dans une logique financière... L’invasion de celui-ci (particulièrement chronophage) peut prendre jusqu’à 30 % du temps de travail et s’apparente à un outil de contrôle et de pression. Pour quelle efficacité ? Les indicateurs ne suffisent pas toujours à rendre compte de la réalité ni de la performance, alors même qu’ils sont considérés comme un outil de pilotage fiable8.

On peut comprendre la demande de visibilité de votre direction sur les résultats, mais leurs conditions de réalisation sont importantes, surtout si les critères sont majoritairement focalisés sur le rendement financier et imposés par le haut. Ils mettent l’ensemble des salariés sous pression. « Ce qui compte ne peut pas toujours être compté, et ce qui peut être compté ne compte pas forcément »9.

L’enjeu pour vous est de disposer de marges suffisantes. De prendre un peu de recul vis-à-vis d’une évaluation trop simpliste de l’efficacité basée sur des indicateurs, des baromètres, des enquêtes jugeant la production et la satisfaction clients (ou usagers) en omettant tout ce qui a trait au bien-être des salariés alors que leurs relations et interactions ont un impact sur les résultats. Le contrôle n’est pas une fin en soi. Il doit s’accompagner d’une réflexion sur les moyens de la performance. Ces systèmes doivent faire l’objet d’un consensus minimal sur ce qui est contrôlé et pourquoi. Plus le consensus sera fort, plus il sera efficace.

5 : Cf. Jean-Pierre Le Goff, La Révolution permanente. Le discours modernisateur et ses dérives, Cadres CFDT n°404, oct. 2003.

7 : Cf. Philippe Lorino, Une Formation à l’enquête. Pragmatisme et complexité des situations managériales, Cadres CFDT n°459, avril 2014.

8 : Sur la notion de performance, on peut se référer aux travaux de l’Observatoire des Cadres et du management, notamment le colloque du 28 janvier 2011 Tous performants ! et celui du 29 mars 2012 Management et performance à l’épreuve des pratiques.

9 : Albert Einstein, Comment je vois le Monde, 1934.