Les réunions d’équipe

Les réunions d’équipe (de service ou d’entité) sont des temps forts pour la construction du collectif de travail, le partage d’informations et l’élaboration de l’action. C’est essentiel pour organiser et favoriser la coopération.

La réunion est fondamentale pour la cohésion des collectifs de travail, surtout lorsque ceux-ci sont éclatés. Cela permet la confrontation, l’anticipation, l’élaboration coopérative de solutions et la valorisation des avancées. La réunion nécessite d’y consacrer du temps : préparation, compte-rendu ou relevé de décision, mise en œuvre et bilan. Ce qui implique d’en faire une forte priorité.

Si l’on veut que ces réunions soient efficaces et confortent le collectif, il faut permettre la confrontation et la suggestion. La confrontation, ce n’est pas l’opposition systématique. Elle est source de richesse, de compétitivité et d’innovation. Permettre et organiser la confrontation renforce le collectif. Les suggestions doivent être écoutées et remontées, surtout s’il y a consensus de l’équipe. Dans le cas contraire, le collectif sera muet. Pour vous, cela requiert une forte capacité à animer, à réguler (s’assurer notamment qu’il n’y a pas de mise en cause individuelle, susceptible de déstabiliser un salarié et qui ne ferait pas progresser le groupe) et à s’engager.

Favoriser la coopération

Ce qui caractérise le travail aujourd’hui est qu’il doit être collaboratif. On ne peut plus faire son travail seul. La transformation au sein de très nombreuses organisations d’un travail coordonné et standardisé (par exemple la production à la chaîne) en un ensemble de tâches complexes impose toujours plus de collaboration entre les services et les personnes. Même les activités dites « servicielles » nécessitant plus d’autonomie dans les équipes demandent une coopération directe entre les salariés pour construire des réponses efficaces face ou avec les clients.

Il y a donc nécessité d’une coopération. Mais elle n’est pas automatique et, au-delà des injonctions sur le travail d’équipe, le désir de coopération est contrarié par la mise en concurrence des personnes, l’individualisation et les outils de gestion. En mettant en compétition les salariés entre eux, entre services ou entre sites (notamment par la rémunération individualisée, le ranking et le reporting), l’entreprise ne facilite pas et organise peu la coopération. Faire coopérer c’est aussi et surtout faire accepter les différents points de vue comme une richesse et non de la crispation.

Le sociologue Norbert Alter met en évidence un phénomène paradoxal qui prend à rebours les discours du management ordinaire : le problème des organisations ne consiste pas à mobiliser les salariés, mais à tirer parti de leur volonté de donner. La coopération ne reposerait que sur la bonne volonté des opérateurs. La coopération ne s’explique en effet ni par l’intérêt économique, ni par la contrainte des procédures, ni par les normes de métier. Elle repose largement, au bout du compte, sur la volonté de donner : on donne aux autres parce que donner permet d’échanger et donc d’exister en entreprise. Coopérer suppose en effet de créer des liens sociaux, par l’intermédiaire desquels circulent des biens, des informations, des services, des symboles, des rites ou des émotions22.

François Dupuy ajoute que ce qui est difficile pour les salariés est justement le manque de coopérations. La coopération nécessite du temps et l’invention de nouveaux rapports entre personnes et équipes. C’est finalement le contraire des process formalisés. Dans la coopération-négociation, tout n’est pas écrit. Ce qui est important, c’est le résultat et la possibilité de se débrouiller23. La coopération ne peut jamais être totalement contrôlée : du travail et des solidarités lui échappent, les collaborateurs dépassant parfois le manager ou coopérant entre eux contre certaines directives.

Comment instaurer la coopération en créant des conditions favorables ?

Les managers de proximité eux-mêmes ont souvent du mal à coopérer entre eux, étant à la fois associés et concurrents. Pourtant, le sentiment d’appartenance à une équipe, à une entreprise ou au service public peut être un moteur de la coopération. Au-delà des discours incantatoires, coopérer devient possible si la ligne hiérarchique en a conscience et en recherche les conditions à tous les niveaux (importance de l’exemplarité...). C’est là que vous pouvez intervenir.

La démarche coopérative a besoin de temps. Il est indispensable de se donner le temps nécessaire et d’accepter de "perdre" du temps (échanges imprévus, discussion de couloirs... on parle même de « culture de couloir » dans certaines organisations).

La démarche coopérative nécessite une certaine autonomie des acteurs, qu’ils soient informés des objectifs ou associés à leur élaboration et comme à leur déclinaison.

Savoir déléguer

En tant que manager, il ne s’agit pas de tout faire et de traiter personnellement tous les dossiers. Vous devez en déléguer certains (en les supervisant) cela vous permettra, non seulement de vous libérer du temps mais aussi de rendre vos collaborateurs plus autonomes, d'assumer plus de responsabilités et de développer leurs compétences. Cela vous permettra également de mieux gérer vos absences et de prévoir vos potentiels successeurs.

Attention, Il ne s’agit en aucun cas de ne se décharger que des « tâches ingrates » ni à l’inverse d’abandonner certaines missions qui sont stratégiques. Veillez aussi à l’équilibre des tâches et responsabilités entre vos collaborateurs.

Face aux tensions et aux conflits

De la simple gestion de priorités au conflit de personnes (voire de valeurs), les tensions et conflits sont le quotidien du manager. Il doit les aborder assez souvent dans une certaine solitude. Son rôle est donc d’assumer et de gérer ces conflits.

Selon les cas, vous allez vous retrouver en position d’arbitre ou bien partie prenante au conflit. Vous pouvez être opposé à un ou plusieurs membres de votre équipe, à votre hiérarchie, à vos pairs ou à des membres d’une autre équipe.

On sait aussi que l’individualisation, la mise en concurrence des salariés ou des équipes, l’approche « client-fournisseur » des relations entre équipes, de même que l’incohérence entre les objectifs et les moyens, voire des objectifs contradictoires, crispent les relations et attisent la compétition et les conflits.

Par ailleurs, les technologies de l’information sont potentiellement un facteur d’amplification de la conflictualité. Elles constituent un substitut au débat en face-à-face, un vecteur rapide de généralisation et de virtualisation du conflit, ne favorisant pas la prise de recul et même augmentant le risque de manipulation des informations (avec des conséquences juridiques éventuelles quand le conflit emprunte les réseaux sociaux).

Notre culture, notre éducation ou notre conditionnement nous font considérer les conflits comme quelque chose d’archaïque, de décalé par rapport à notre condition d’homme ou de femme moderne. Cette idée que le conflit est un échec nous pousse parfois à l’éviter à tout prix, à le minimiser, voire à le nier purement et simplement. Ce qui est, pour le sociologue Yves Clot, « la pire des choses ». Le conflit est, pour ainsi dire, inhérent aux relations humaines dès lors que les motivations différentes peuvent déboucher sur de l’opposition.

Pour Y. Clot, le plaisir du travail bien fait est la meilleure prévention contre le stress : il n’y a pas de bien-être sans « bien faire ». En se mobilisant autour d’une idée neuve du métier, avec tous les autres acteurs concernés - dirigeants d’entreprises, syndicalistes et spécialistes -, ceux qui, au travail, sont en première ligne peuvent eux-mêmes « retourner » la situation24.

L’exercice normal de l’autorité peut amener des tensions, par exemple dans la situation classique du tour de table qui précède une prise de décision et au cours duquel s’expriment des visions différentes du problème traité ou des solutions envisageables. Il le sera aussi si vous êtes contraint de devoir recadrer, sanctionner, voire de vous séparer de collaborateurs. Pour autant, il faut aussi que les choses désagréables soient dites et que les situations à risques soient dénoncées sans s’en prendre aux personnes ni rompre le dialogue (respect, loyauté...). La mise à jour du conflit est parfois l’unique moyen de libérer la parole et d’exprimer ou de découvrir ce qui est important pour chacun.

Évitez la neutralité ou le report « hypocrite » en top-down des décisions qui fâchent et vous décrédibilisent aux yeux de vos collaborateurs, surtout si cela contredit vos convictions. Décrivez les faits – dites ce que vous en pensez et proposez une ou des solutions.

Enfin si vous sentez que vous êtes en difficulté ou risquez de l’être par les conflits ou par certaines personnalités, il faut alors vous faire aider par les fonctions RH, médicales, syndicales et la formation (offre CREFAC ou autres formations accréditées). Vous ne pouvez ignorer aussi que des collaborateurs seront amenés à appliquer des décisions avec lesquelles ils sont en désaccord. Il vous arrivera aussi d’être en désaccord, mais même les stratégies parfois changeantes, incomprises ou, pire, jugées dangereuses, doivent pourtant être mises en œuvre par le manager... Parlez-en avec vos pairs.

Face aux dilemmes

Doit-on couvrir ou taire un agissement d’un collègue ou d’un supérieur hiérarchique perçu comme préjudiciable ? Faut-il arrêter un projet en cours ou un chantier si une règle n’est pas respectée et que cela peut avoir des conséquences graves ? Ce que l’on demande de faire n’est pas correct au vu des normes professionnelles ou des engagements de son organisation, que faire ?...

Le manager, du fait de ses responsabilités, peut être face à un problème entraînant un cas de conscience, un dilemme individuel et immédiat. Cette situation le met en tension entre déontologie (ou éthique personnelle) et fonction. Il engage sa responsabilité directe par rapport à son employeur, à ses partenaires mais aussi, potentiellement et ultérieurement, devant des instances disciplinaires (voire juridiques). Bien qu’à forte connotation individuelle, cette situation peut avoir une dimension collective, voire sociétale.

« C’est depuis 2001 à Singapour, au sein du syndicalisme ingénieurs et cadres international organisé par UNI25 que la CFDT Cadres a adopté un code d’éthique, de déontologie et de responsabilité professionnelle pour les professionnels et les managers et inscrit l’exigence d’un droit et d’une protection pour le lanceur d’alerte au niveau international et national. Le droit à la parole c’est une expression non seulement de démocratie mais aussi d’exercice de la responsabilité des cadres dans leur travail. C’est en novembre 2016 que la loi Sapin II sur la transparence contre la corruption et la moralisation de la vie publique est adoptée en France avec le regret toutefois que les syndicats ne soient pas dans la procédure de signalement interne de l’alerte ». En tant que manager vous pourrez être amené à recevoir des alertes ou bien en déclencher. La loi s’applique depuis le 1er janvier 2018.

L’organisation et les conditions de travail

L’organisation et les conditions de travail ? Le manager s’en occupe souvent insuffisamment, par manque de temps notamment, ou par non prise en compte de l’ensemble des activités. Pourtant, vous pouvez revendiquer une réelle autonomie et une réelle responsabilité sur ces questions qui sont déterminantes pour votre équipe. Il faut y associer ceux qui vont faire le travail.

Le manager contribue à la prévention et à la détection des situations à risques psychosociaux30, à travers son travail de relation de proximité, d’écoute, d’observation et son rôle d’organisateur du travail. Les risques psychosociaux liés au travail sont analysés selon six dimensions : les exigences du travail, les exigences émotionnelles, l’autonomie et les marges de manœuvre, les rapports sociaux et relations de travail, les conflits de valeurs, l’insécurité socio-économique. Vous pouvez agir directement sur bon nombre de ces facteurs. Les collaborateurs ont, autant que leur manager, le souhait d’éprouver du plaisir dans leur travail et de s’investir.

Vous avez différents leviers à votre disposition. Dès que vous pressentez une difficulté, alertez au bon niveau. L’un de vos rôles est la remontée d’informations et l’alerte à partir de ce qui se passe sur le terrain, afin d’anticiper au maximum. Vous êtes à la fois l’avocat de votre équipe auprès de vos supérieurs et le représentant de la hiérarchie vis-à-vis de votre équipe. Le rôle d’écoute est fondamental. Une large majorité de salariés (64 % selon l’Apec) souhaiteraient, pour mieux être entendus, développer les occasions d’échanges informels avec leur supérieur hiérarchique direct.

La CFDT est signataire de l’accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 sur le stress au travail, plus récemment de celui sur la qualité de vie au travail du 19 juin 2013 reconnaissant le rôle important des managers.

22 : Cf. N. Alter, Donner et prendre. La coopération en entreprise, La Découverte, 2010 et le colloque OdC Qu’est-ce que coopérer au travail ? du 4 juillet 2012.

23 : Cf. F. Dupuy, La Fatigue des élites, Seuil, 2005, Lost in Management. La vie quotidienne des entreprises au XXIème siècle, Seuil, 2011 ainsi que le séminaire OdC Hope in management ? du 2 décembre 2011.

24 : Cf. Y. Clot, Le Travail à cœur. Pour en finir avec les risques psychosociaux, La Découverte, 2010

25 : UNI (la fédération syndicale internationale de 20 millions de membres du secteur de services)

30 : Les risques psychosociaux (RPS), souvent résumés sous le terme de stress, comprennent aussi les violences internes (harcèlement moral, harcèlement sexuel), externes (par des personnes extérieures à l’entreprise à l’encontre des salariés) et peuvent mettre en jeu l’intégrité physique et la santé mentale des salariés. D’où l’impact sur le bon fonctionnement des entreprises. On les appelle « psychosociaux » car ils sont à l’interface de l’individu (le « psycho ») et de sa situation de travail. Ils ne sont définis, ni juridiquement, ni statistiquement (source : ministère du Travail).