Le nouvel article reprend la formulation habituelle de la protection des salariés retenue par le code du travail :

« Art. L. 1161-1. – Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judicaires ou administratives, de faits de corruption dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. »

« Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit. »

« En cas de litige relatif à l’application des deux premiers alinéas, dès lors que le salarié concerné ou le candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise établit des faits qui permettent de présumer qu’il a relaté ou témoigné de faits de corruption, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers aux déclarations ou au témoignage du salarié. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il juge utile. »

Avant l’intervention de cette loi, la protection du salarié lanceur d’alerte ou du témoin (mais aussi de la victime) existait déjà pour quatre situations bien définies :

  • hygiène et sécurité au travail, pour le salarié ayant fait jouer son droit de retrait, protection garantie en des termes identiques pour le secteur privé et les fonctions publiques (Code du travail, Art. L. 231-8-1. et Décret n°82-453 modifié du 28 mai 1982, Art. 5-6, alinéa 2) ;
  • discrimination (Code du travail, Art. L. 122-45) ;
  • harcèlement sexuel (Code du travail, Art. L. 122-46) ;
  • harcèlement moral (Code du travail, Art. L. 122-49).

Il faut souligner que la Cour de cassation avait posé dès 2002 le principe suivant : le fait pour un salarié de porter à la connaissance d’un tiers des faits anormaux concernant l’entreprise, susceptibles ou non de qualification pénale, n’est pas en soi fautif, à condition que ces accusations ne soient pas mensongères et que le salarié ait agi de bonne foi, sans vouloir volontairement nuire à son employeur (Cass. Soc., 14 mars 2002, s’agissant d’un salarié ayant signalé à l’inspecteur du travail des faits lui apparaissant anormaux).

Enfin, la protection des lanceurs d’alerte en matière environnementale a été longuement discutée lors du Grenelle de l’environnement (2007) et retenue dans ses conclusions finales. L’idée étant de reconnaître un droit d’alerte en matière environnementale et de mettre en place des garanties de protection pour les salariés donnant l’alerte. Cette reconnaissance du droit d’alerte et la protection du salarié lanceur d’alerte doivent maintenant faire l’objet de négociations entre les partenaires sociaux lors de la préparation du projet de loi sur la démocratie écologique au printemps 2008.

Pour la CFDT Cadres, la nécessité d’une protection élargie du lanceur d’alerte est établie depuis longtemps. En effet, nombreux sont les cadres qui rencontrent des situations mettant en cause la pérennité de l’entreprise ou contraires à l’ordre public, des situations qui peuvent mettre en jeu leur responsabilité personnelle au pénal ou au civil : manœuvres financières frauduleuses, actes de corruption, pollution de l’environnement, non respect d’une norme technique ou de dispositions du code du travail, mise en danger d’autrui - notamment de ses collaborateurs, travail dissimulé, etc.

Au risque de voir leur responsabilité engagée, les cadres doivent bénéficier d’un droit d’alerte à exercer en priorité auprès de leurs responsables hiérarchiques. En fonction des situations, ce même droit doit être reconnu à tous les salariés.

Afin de garantir le salarié dans sa démarche et son évolution professionnelle, au-delà des dispositions internes aux entreprises établies lors de la mise en place des systèmes d’alerte professionnelle, la CFDT Cadres demande que la loi affirme le principe général d’une protection du salarié lanceur d’alerte, tant pour les alertes professionnelles internes que pour les signalements de crimes et délits, ou de faits présumés comme tels, commis au sein de l’entreprise ou l’administration.

C’était aussi le sens des recommandations qui concluent le rapport Antonmattei-Vivien remis au ministre du Travail en janvier 2007, et qui proposaient d’octroyer cette protection au déclencheur d’une alerte professionnelle pour autant que ce dernier ait agi de bonne foi :

Sur le modèle des articles L. 122- 46 et L. 122-49, il pourrait être prévu que :

« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir utilisé de bonne foi un dispositif d’alerte professionnelle. »

« Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit. »

En complément à l’intervention de la loi, la CFDT Cadres souhaite la mise en œuvre de démarches participatives au sein des entreprises et des administrations, articulant démarches centrales et démarches locales, faisant toute leur place aux cadres comme aux organisations syndicales représentatives. Ces démarches, partant de la réalité, doivent privilégier l’analyse des situations à risques et permettre aux dirigeants, aux cadres et aux salariés de s’interroger, en vue de l’action la meilleure possible, sur les valeurs et les principes d’action qui sous-tendent les pratiques managériales, sur les fondements de la responsabilité sociale, sociétale et environnementale de l’organisation, sur les objectifs poursuivis et les moyens mis en œuvre, sur les régulations collectives et individuelles nécessaires.

La CFDT Cadres demande le développement d’un dialogue social effectif autour de la responsabilité, tant dans les instances représentatives du personnel dans les entreprises et administrations que par la négociation notamment dans les conventions collectives de branche.

Organiser ainsi une protection et des démarches favorisant l’expression des cadres et des salariés, c’est enrichir la capacité collective d’écoute et de résolution des problèmes, et par conséquent améliorer le dialogue social. Les organisations syndicales doivent en être parties prenantes. Ce sont aussi des éléments des pratiques managériales, les cadres doivent donc s’en saisir. C’est le sens de l’action constante et déterminée de la CFDT Cadres.