Un peu d’histoire pour commencer...

« Le Conseil national du patronat français, d’une part, les organisations syndicales soussignées, d’autre part, après avoir évoqué l’ensemble des problèmes que posent pour l’emploi des cadres les conséquences des transformations industrielles et de l’évolution des techniques, conscients de l’importance des questions de mise à jour des connaissances et de formation permanente qui devront, dans les meilleurs délais, faire l’objet d’un examen particulier,

CONSIDÉRANT :

la nature particulière des difficultés de reclassement rencontrées par certains salariés ayant occupé, dans les entreprises, des fonctions d’encadrement ou assumé des responsabilités équivalentes

l’aggravation de ces difficultés en fonction de l’âge des intéressés,

les préoccupations que cette situation fait naître pour les organisations signataires de la présente convention et leur volonté d’y porter remède par une action commune

CONVIENNENT DE CE QUI SUIT :

Article 1er : Les organisations soussignées décident de participer, en commun, à la mise en place et au fonctionnement d’une institution paritaire d’études et d’action pour le reclassement des cadres en chômage, originaires de l’industrie et du commerce. (…)

Article 3 : Le fonctionnement de l’association sera assuré notamment par une contribution fixée à deux francs par an et par collaborateur inscrit au titre des articles 4 et 4 bis au régime de retraite et de prévoyance des cadres institué par la convention collective nationale du 14 mars 1947. 60 % de cette contribution seront à la charge de l’entreprise et 40 % à la charge de l’intéressé… »

Après d’âpres débats entre partenaires sociaux, des conventions ultérieures viendront notamment compléter le texte initial pour adjoindre la fonction de placement des cadres à la mission de l’institution, lui donner la dénomination Apec, enjoindre les entreprises représentées par le CNPF de communiquer, de façon prioritaire, leurs offres d’emploi à l’Apec et missionner l’Apec pour établir avec les pouvoirs publics un protocole d’accord et de coopération avec l’ANPE. Ce sera fait en 1969.

On acte aussi différents choix quant aux missions et à la structure de l’association. Une partie importante de son potentiel sera consacrée à l’étude et à la mise en œuvre des mesures d’accompagnement du placement, afin de donner aux cadres la possibilité d’une attitude active dans le choix de leurs orientations. Une fraction de son budget est affectée à des études et des recherches permettant de mieux connaître les réalités du marché de l’emploi des cadres, Un système d’information sera mis en place pour répondre aux besoins des cadres, que ceux-ci soient à la recherche d’un emploi ou qu’ils se préoccupent du développement de leur carrière.

Au travers des divers avenants, les partenaires sociaux ont aussi souligné la nécessité pour l’Apec de travailler en liaison avec les organismes publics et paritaires traitant des problèmes de l’emploi et de la formation. Il en va de même pour les études, par des liens avec le monde de la recherche, universitaire notamment.

Soulignons enfin que l’Apec née de la convention prenait la suite d’une association du même nom qui comptait parmi ses adhérents le ministère du Travail, des organisations syndicales de cadres et patronales, des associations d’anciens élèves de grandes écoles…

L’Apec est administrée par un Conseil paritaire à l’échelon national, composé de 2 représentants de chacune des 5 confédérations syndicales et de 10 représentants du Medef. 15 comités paritaires régionaux, à la même composition paritaire, assurent une fonction de veille et de représentation à l’échelon régional.

Les cotisations versées pour et par chaque cadre, constituent un préfinancement des services de base. Cette cotisation mutualisée est le symbole d’une double symbiose : interdépendance des grandes et des petites entreprises, interdépendance générationnelle et fonctionnelle des cadres dans les entreprises et en dehors.

40 ans plus tard

En quarante ans, la cotisation est passée de 2 francs par an à 18,64 euros (11,18 euros payés par l’entreprise et 7,46 euros payés par le cadre), une cotisation qui reste modeste au regard des services accessibles (600 consultants Apec dans 45 centres en France ; services à distance ; études et publications).

Les intuitions ayant présidées à la fondation de l’Apec sont toujours d’actualité. Dans un contexte fortement différent, le langage a certes changé et l’on parle désormais de projet personnalisé d’accompagnement vers l’emploi (le PPAE), de délocalisation, de cadres seniors. Dans le langage commun, on dit plutôt « cadre au chômage » que « cadre en chômage », signe que le chômage s’est bien installé.

De façon anticipatrice, l’institution paritaire s’est résolument installée sur le champ de la sécurisation des parcours professionnels. Pour les cadres, il s’agit de disposer de l’information la plus complète sur le marché de l’emploi présent et à venir, des conseils et des formations pour activer, accompagner et consolider sa propre démarche, sécuriser ses transitions. Pour les entreprises, quoi de plus sécurisant que de savoir qu’elles pourront trouver sur le marché de l’emploi les compétences dont elles ont besoin en s’appuyant sur la qualité de service de l’offre Apec et la réactivité des ses consultants.

En 2006 le contexte du travail des cadres a bien changé : le nombre et la diversité accrus des cadres aujourd’hui, l’éventail des métiers, l’hétérogénéité du monde de l’entreprise et des formes d’activité, une prise de distance avec les sphères dirigeantes des entreprise, l’accélération du rythme des mutations technologiques et organisationnelles, le renforcement du caractère mondialisé de l’économie et sa financiarisation, le poids des activités de services…

Au cours des dernières années, le marché de l’emploi des cadres connaît lui aussi des évolutions importantes et des spécificités prégnantes : plus que d’autres segments du marché de l’emploi, il est sujet à de fortes fluctuations ; de nouveaux opérateurs apparaissent avec une logique commerciale ; de nouveaux besoins surgissent et les partenaires ANPE et Unedic évoluent également. Les règles de départ à la retraite changent ; l’accès massif des jeunes aux formations de l’enseignement supérieur et les frilosités des entreprises rendent l’accès à l’emploi cadre difficile pour les jeunes diplômés ; l’ascenseur social est en recul pour la promotion interne ; l’installation d’un chômage de longue durée inquiète nombre de cadres, plus particulièrement les quinquagénaires et les filières techniques.

Les partenaires sociaux et les pouvoirs publics sont en attente vis-à-vis de l’Apec, par exemple en cette année 2006 sur le champ de l’emploi des seniors comme sur celui de la lutte contre les discriminations. L’évolution des structures RH des grandes entreprises et la faiblesse de celles des TPE-PME recruteuses, créent de nouvelles sollicitations en matière de « sourcing » pour l’Apec. Les cadres aussi sont en attente, même si nombre d’entre eux pensent à tort qu’en cas de coup dur professionnel ils sauront rebondir par eux-mêmes. L’enjeu est bien, par la qualité de ses services, de faire de l’Apec l’accompagnateur de référence des cadres, tout au long de leur vie professionnelle, et celui des entreprises, pour tout ce qui concerne l’emploi cadre.

Par exemple, pour préparer l’entretien professionnel de deuxième partie de carrière, tout cadre qui le souhaite doit pouvoir rencontrer un consultant Apec et bénéficier de sa capacité à questionner le parcours et à faire émerger les avenirs possibles, comme cela se fait de façon plus approfondie dans les bilans de compétences et bilans d’orientation proposés par l’Apec. Il y a là un bel avenir pour l’institution.

De même envers les entreprises : partant de son expertise sur l’offre d’emploi, l’Apec a développé une pratique sur l’accompagnement des mobilités internes, et doit pouvoir être en mesure d’aider au diagnostic en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

Sur les dernières années l’Apec a notamment adapté son offre à l’irruption des nouvelles technologies (évolution des services Internet, adaptation des publications papier), la volonté des partenaires sociaux d’activer les fonds de l’Unedic en faveur du retour à l’emploi (accompagnement de plus de 30 000 cadres demandeurs d’emploi chaque année via le dispositif PARE et maintenant PPAE et expérimentation Etap’Carrière pour les cadres seniors), à l’expérimentation de nouvelles formes de mise en relation de face à face entre cadres et entreprise (réalisation de forums et de salons, de semaines nationales thématiques).

Et demain ?

Pour garder toute leur pertinence aux services et aux conseils qu’elle offre, l’Apec doit être au plus près du marché réel de l’emploi sans se substituer aux responsabilités des acteurs premiers (cadres comme entreprises) dans l’acte de recrutement. L’Apec n’a pas non plus vocation à se substituer aux opérateurs marchands (prestataires du recrutement) ni aux autres institutions paritaires ou politiques, mais doit contribuer à comprendre ce qui change et donner de la visibilité sur l’emploi des cadres aujourd’hui et demain,

L’Apec, comme toute institution, doit de façon régulière actualiser ce qui donne sens à la cotisation mutualisée et doit tracer sa voie entre deux écueils : celui de la banalisation de son offre dans un environnement de plus en plus concurrentiel et celui de la perte de singularité de son modèle économique et social basé sur la distribution de services à valeur ajoutée préfinancés par les cotisations, instrument de la mutualisation des risques et des moyens.

Face à ces écueils, les réponses sont à trouver dans la recherche permanente d’une valeur ajoutée différenciatrice et dans l’expérimentation et l’innovation pour s’adapter aux changements multiformes.

Par son statut et ses ressources, l’Apec dispose de marges de manœuvre propices à l’innovation sociale et économique. Les partenaires sociaux qui composent son conseil d’administration doivent être en dialogue constructif pour rester sur cette ligne de crête et construire l’avenir de l’Apec.

L’espace de ses actions doit sans doute revenir sur les champs de la formation et des territoires (comme en ses commencements) par exemple au travers de partenariats avec les secteurs professionnels (observatoires de métiers, Opca, établissements d’enseignement supérieur, nouvelles structures professionnelles) ou dans le cadre des dynamiques territoriales (pôles de compétitivité, actions de retour à l’emploi, impulsion de projets). Sans perdre de vue le développement de services aux 250 000 cadres et jeunes diplômés en recherche d’emploi, le cœur de cible initial, l’Apec doit innover dans les services aux cadres situés sur les marges du marché du travail, en repositionnement ou en situation atypique, comme elle a commencé à la faire.

Pour la CFDT Cadres, les propositions qu’elle formule pour l’avenir de l’Apec sont le fruit des travaux de son Bureau national, alimentés par le dialogue avec ses mandants, les cadres adhérents dans les syndicats regroupés dans les fédérations professionnelles et les unions régionales CFDT, avec ses mandatés dans les comités paritaires régionaux de l’Apec et avec les différentes parties prenantes du monde de l’emploi et de la formation.

Pour la sécurisation des transitions professionnelles, l’Apec est une belle réalisation pour les cadres et une institution qui peut servir de point de repère dans ce que les acteurs publics, notamment ceux du paritarisme, ont à mettre en œuvre pour l’ensemble des salariés.