Majoritairement salariés en entreprise dans les formes d’emploi classiques (CDI, CDD, intérim), les cadres en emploi du secteur privé sont globalement satisfaits de leur situation professionnelle, et ce, de façon assez stable depuis de nombreuses années et quels que soient l’âge et le genre[1]. Cependant, les changements professionnels ont un impact sur le degré de satisfaction des cadres, les plus nombreux à se déclarer satisfaits étant ceux ayant changé récemment d’entreprise. Si l’intérêt du poste et les conditions matérielles de travail constituent les critères remportant les taux de satisfaction les plus forts, la rémunération et les perspectives d’évolution professionnelle constituent à l’inverse les critères pour lesquels les cadres souhaitent une amélioration.

Si le désir de changement du cadre est lié au déficit de satisfaction dans son travail, les raisons tiennent à son parcours professionnel, son expérience de la mobilité mais aussi sa situation personnelle[2]. De manière générale, le cadre exprime des attentes très fortes quant à sa vie professionnelle : exercer un métier qui a du sens, se sentir utile dans le cadre de son travail, développer ses compétences pour progresser et accomplir correctement ses missions sont autant de priorités à ses yeux. Plus encore, pouvoir percevoir des revenus réguliers est un point essentiel pour les cadres, ce que le salariat incarne tout particulièrement. Cela est jugé très important pour près de deux cadres sur trois, la régularité des revenus revêtant davantage d’importance pour eux que le montant de la rémunération lui-même ou la sécurité de l’emploi. Ce besoin de sécurité financière est aussi plus fréquent chez les cadres âgés de 35 à 44 ans et chez les femmes cadres[3].

 

Les formes d’emploi autres que le salariat attirent les cadres

Aujourd’hui, le non salariat représente 12% des actifs[4], dont un tiers est micro-entrepreneur[5], les autres formes d’emploi autres que le salariat classique étant le portage salarial, les coopératives d’activité et d’emploi, les groupements d’employeur et les entreprises de travail à temps partagé. Si la grande majorité des cadres du secteur privé a déjà entendu parler d’au moins une forme d’emploi autre que le salariat classique, et ce quelle que soit leur situation professionnelle, seulement un peu moins d’un cadre sur cinq a déjà exercé l’une d’entre elles, principalement le micro-entrepreneuriat (12% des cadres), les autres formes d’emploi ne concernant qu’une minorité de cadres. Les cadres demandeurs d’emploi ont un peu plus souvent déjà fait l’expérience du non salariat, s’étant plus fréquemment tournés vers le micro-entrepreneuriat et le portage salarial, pour pallier notamment des difficultés pour retrouver un emploi salarié classique. Aussi, si la majorité des cadres a une idée positive des formes d’emploi alternatives au salariat, ceux en ayant déjà fait l’expérience en ont une image nettement plus positive que les autres[6].

Dans un contexte d’évolution profonde structurelle et organisationnelle du travail et de l’emploi, notamment sous l’effet des nouvelles technologies, de plus en plus de cadres salariés en poste souhaitent renoncer au salariat, y compris ceux ayant un haut niveau de responsabilité, pour un métier qu’ils jugent plus en phase avec leurs aspirations individuelles et qu’ils souhaitent parfois exercer différemment. Cette envie est très souvent le reflet de leur désir d’autonomie et de découverte de nouveaux horizons professionnels.

Récemment invités à se projeter dans les trois ans à venir, un peu plus d’un cadre salarié en emploi sur deux se dit prêt à envisager de renoncer au salariat, ainsi que pour trois cadres demandeurs sur quatre.  Parmi toutes les formes d’emploi alternatives au salariat, ce sont le micro-entrepreneuriat et le groupement d’employeurs qui rencontrent le plus d’adhésion aux yeux des cadres. Mais, ce choix est lié à deux conditions, celle d’un projet solide et motivant, et aussi celle de revenus suffisants et réguliers. Sans garantie d’une activité non salariée viable sur le long terme et de filets de sécurité, les cadres ne se disent généralement pas prêts à renoncer au salariat[7]. L’absence de véritable fibre entrepreneuriale motive également leur souhait de rester salariés d’une entreprise.

Selon les cadres, le fait de travailler sous un autre statut que le salariat classique présente des avantages mais aussi des inconvénients, comme indiqués dans le tableau ci-dessous[8].
Forme alternative
au salariat

Avantages majeurs

Inconvénients majeurs

Micro entreprenariat

Organiser son emploi du temps.

Incertitude sur sa capacité à se payer. Manque de protection sociale. Incertitude sur sa capacité à trouver des missions et la réussite de son projet.

Portage salarial

Déléguer les démarches administratives et les activités de gestion. Bénéficier de la protection sociale. Choisir librement ses missions.

Charges plus élevées que pour les autres statuts d'indépendant. Incertitude sur sa capacité à trouver des missions et la réussite de son projet. Incertitude sur sa capacité à se payer.

Coopératives d'activité et d'emploi

Bénéficier de la protection sociale. Déléguer les démarches administratives et les activités de gestion. Pouvoir tester ou démarrer un projet

Incertitude sur sa capacité à se payer. Charges plus élevées que pour les autres statuts d'indépendant. Incertitude sur sa capacité à trouver des missions et la réussite de son projet.

Groupement d'employeurs et entreprises de travail à temps partagé

Travailler sur des missions et des projets variés. Bénéficier de la protection sociale. Travailler dans des organisations différentes.

Changement régulier de lieu de travail. Changement régulier de méthodes, de procédures.

 

Interrogés dans un contexte conjoncturel extrêmement favorable, bien avant la crise sanitaire, les cadres prêts à s’engager dans une forme alternative d’emploi au salariat étaient plutôt confiants sur le fait d’engager une telle démarche. Ils l’étaient aussi davantage à l’égard du portage salarial[9], vers lequel la transition pourrait s’envisager avec plus de sérénité, qu’à celui du micro-entrepreneuriat en raison de réserves quant à son coût d’entrée. De manière générale, les hommes cadres avaient une vision plus optimiste que leurs homologues féminins masculins, ainsi que les plus expérimentés[10].

 

Renoncer au salariat ne se décrète pas

Il est souhaitable que le cadre, qui s’engage dans une démarche de transition professionnelle vers une forme d’emploi alternative au salariat, identifie au préalable les compromis qu’implique un changement aussi profond qu’une réorientation professionnelle voire une mobilité géographique associée. Il mènera une véritable réflexion sur ce qu’il est possible de changer au sein de son organisation actuelle, et pourra se faire accompagner par des organisations telles que l’Apec, afin de construire au mieux son projet d’évolution professionnelle.

Conjuguer un emploi salarié classique avec une forme d’emploi alternative au salariat est possible, de manière temporaire ou à plus long terme, afin de concilier son besoin en matière de sécurité financière avec ses aspirations à explorer de nouveaux horizons professionnels et gagner en autonomie. Ainsi, les cadres salariés en emploi du secteur privé sont un peu plus d’un tiers à y songer parmi les cadres envisageant le recours à une autre forme d’emploi que le salariat[11].

Sous l’effet de la crise actuelle et grâce aux nouvelles technologies, le télétravail aura offert de nouvelles possibilités aux cadres salariés pour continuer à travailler tout en permettant aux employeurs de poursuivre partiellement ou totalement leur activité. Ce mode d’organisation inédit à grande échelle pourrait faire voler en éclats les freins, les idées reçues mais aussi les discours que beaucoup de directions pouvaient avoir avant la crise sanitaire et qu’elles pourraient plus difficilement tenir lors de la sortie de crise. Pour autant, la plupart des cadres, qui revendiquent le télétravail, ne le souhaitent qu’un ou deux jours par semaine, afin de préserver le lien social dont tous les salariés ont besoin. La période de confinement pourrait ainsi laisser place à un besoin accru des cadres en matière de collectif et de plaisir à travailler ensemble.

Aussi, l’activité des cadres salariés pourrait reprendre différemment lors de la sortie de crise, la période de confinement ayant été propice à la prise de recul mais aussi à de nouvelles manières de travailler collectivement et à de nouveaux modes de management où la relation manager - managé est davantage basée sur la confiance. L’équilibre entre vie professionnelle et vie privée pourrait sortir renforcé lors de la sortie de crise, les cadres s’étant concentrés sur ce qui était vraiment important pour eux depuis la période de confinement et souhaitant se recentrer sur l’essentiel et une forme d’épanouissement dans leur vie et leur travail. Enfin, pour certains cadres, les nouvelles formes d’emploi pourraient constituer une opportunité à court moyen terme faute de pouvoir continuer dans le salariat et/ou pour y trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée davantage en adéquation avec leurs aspirations et leurs valeurs.

 

[1] Etude Apec « Panorama des mobilités professionnelles », 2010-2019.

[2] Etude Apec « Rapport au travail et mobilité professionnelle », 2018.

[3] Etude Apec « Salariat et autres formes d’emploi », 2019.

[4] Insee, 2017.

[5] Acoss, 2016.

[6] Etude Apec « Salariat et autres formes d’emploi », 2019.

[7] Etude Apec « Salariat... », 2019.

[8] Ibid.

[9] Etude Apec « Les cadres et le portage salarial », 2019.

[10] Etude Apec « Salariat... », 2019.

[11] Etude Apec « Salariat... », 2019.