Nos organisations du travail présentent un faisceau de plus en plus dense de contraintes, associant recherche active de productivité accrue et fréquents changements dans les objectifs ou les méthodes de travail. Ces évolutions peuvent mettre en péril les stratégies individuelles ou collectives des travailleurs pour faire face aux objectifs, se maintenir en emploi et préserver leur santé. Et elles rendent plus complexes les stratégies d’affectation des travailleurs, dès lors qu’ils présentent, temporairement ou durablement, des problèmes de santé : maladies ou accidents et leurs séquelles, pathologies chroniques, troubles apparus ou accentués au fil de l’âge…

Dans ce contexte, on observe une montée en puissance de la problématique de la vulnérabilité dans le monde du travail. Elle se signale par la fréquence du recours à ce terme comme à ses opposés, résistance, résilience.

L’origine du terme est médicale : un être vulnérable est une personne qui, du fait d’une constitution fragile, est susceptible d’être blessée. Par extension, dérivé de ce sens organique (comme la métaphore de la fracture sociale), « les vulnérables » sont ceux qui sont à la limite de l’inadaptation sociale, ceux qui sont susceptibles de glisser dans un processus de perte d’appartenance et de ressources. La vulnérabilité désigne alors une zone intermédiaire entre l’intégration et la désaffiliation.

La vulnérabilité est aujourd’hui essentiellement associée à des attributs dévalorisants. Le plus souvent entendue comme un état de moindre résistance aux nuisances et agressions, et ce du fait de manque, défaut, insuffisance. La vulnérabilité est devenue un critère distinctif - on est « vulnérable » ou on est « résilient » - et un principe explicatif - parce que « vulnérable », on est exposé à l’accident, aux troubles musculo-squelettiques (TMS), aux troubles psychosociaux… à l’inaptitude et à l’inemployabilité. De l’individu perçu comme fragile, on passe volontiers l’identification de groupes sociaux dits « vulnérables », c’est-à-dire caractérisés par leur manque de pouvoir, de ressources, d’éducation, de santé… La vulnérabilité devient l’attribut assigné à quelques-uns ou des « populations » identifiées par des traits communs qui effacent les singularités : les « seniors », les « handicapés », les « harcelés », les « malades chroniques », les « alcooliques », les « inaptes »… Elle renvoie non plus à un processus social de fragilisation, mais constitue une forme d’attribution identitaire négative[1].

 

Prédisposition et vulnérabilité

 

 

Dans le monde du travail, le scénario est indéfiniment et toujours le même : à qui attribuer la responsabilité des problèmes identifiés, qu’il s’agisse d’inaptitudes, de perte d’emploi, de placardisation, d’accident du travail, de stress, souffrance, TMS, pathologies post-traumatiques, dépressions, suicides, addictions ? Le scénario de l’imputation causale aux victimes prévaut bien souvent. Ceux qui témoignent d’un défaut de « bien-être » pourraient bien être responsables de ces déficiences, de par leur manque de résistance, de compétences, de ressources propres.

L’attribution de responsabilité a d’abord visé les victimes d’accident du travail. Ce sont les recherches orientées vers le « facteur humain » qui vont aboutir à la notion de prédisposition aux accidents considérée comme une propriété intrinsèque à certains individus. La référence à la prédisposition peut être retrouvée encore à propos des « maladies »,
qui deviennent dès lors moins à risque d’être qualifiées de professionnelles si une prédisposition ou des facteurs personnels peuvent être mis en évidence. Ainsi, le burn-out fait l’objet de recherches sur ses déterminants et facteurs de risques : on y retrouve l’idée que plusieurs profils de personnalité seraient susceptibles de sensibiliser au burn-out ou au contraire d’en protéger, que la personnalité proactive préviendrait du burn-out, ou a contrario que les sujets dotés d’une personnalité de type A seraient plus susceptibles d’épuisement émotionnel, comme le perfectionnisme ou le névrosisme, considérés comme des facteurs de vulnérabilité au burn-out.

L’extension de cette vieille notion de prédisposition trouve son actualisation dans celle de « fragilité », « vulnérabilité » expliquant difficultés, troubles, pathologies, échecs, inadaptation, etc. Aujourd’hui, toute difficulté au travail peut être interprétée en termes de vulnérabilité personnelle. Dans le contexte social contemporain caractérisé par l’accroissement des épreuves et de la sélectivité, celui qui a moins réussi à ces épreuves que les autres sera, a posteriori, identifié comme « faible ».

 

Vulnérabilité humaine ou vulnérabilité différentielle ?

 

Aujourd’hui, la reconnaissance de la vulnérabilité humaine, ontologique, s’efface au profit de la fabrique d’une vulnérabilité différentielle[2] qui s’inscrit dans le prolongement de cette notion de prédisposition.

Alors que la vulnérabilité est un trait universellement partagé de la condition humaine, elle tend à devenir un critère de différenciation. La vulnérabilité n’est plus alors reconnue comme vulnérabilité intrinsèque à notre condition d’êtres de désirs et de besoins : elle est réduite à un attribut personnel. Les problèmes au travail se trouvent alors renvoyés à des caractéristiques individuelles considérées comme extérieures au champ professionnel.

Le champ des « risques psychosociaux » (RPS) est de ce point de vue particulièrement édifiant. Nombre de dispositifs sont orientés vers la détection et le signalement des « individus à risques » : il s’agit de repérer et prendre en charge des éléments de fragilité prédisposant aux troubles psychosociaux. Le recours accru au dépistage de salariés « fragiles » témoigne de l’importation dans le monde du travail d’un double modèle assistanciel, à la fois médico-hygiéniste (dépister la vulnérabilité, comme on dépiste le VIH) et répressif (contrôle du souci de soi, de la compliance aux prescriptions de renforcement des capacités d’adaptation). Les instruments de dépistage sont ici le plus souvent des questionnaires d’évaluation de l’anxiété et/ou de la dépression. Une fois les difficultés au travail ramenées à la fragilité individuelle du salarié, sa prise en charge est confiée aux experts désignés.

Se profile ici un risque majeur aujourd’hui : celui de la chasse aux « fragiles », aux « vulnérables »,
dans la lignée de la classique catégorie des « bras cassés », traditionnellement renvoyés aux dispositifs institués de traitement et recyclage des rebuts du monde du travail. Dans nombre d’entreprises et d’administrations, ces dispositifs de détection et signalement installent une sorte de surveillance généralisée : chacun est tenu de surveiller chacun au nom de principes louables, l’aide aux collègues en difficultés, ou d’une menace implicite, celle de la juridiciarisation, versus « non assistance à personne en danger ». Et cette manière de traiter des RPS fabrique une représentation duale du monde du travail qui serait composé de deux types de populations : les sains, robustes, battants, performants… aptes ; les autres, fragiles, vulnérables, déficitaires,… et assistés pour prévenir l’inaptitude et à terme, l’expulsion de l’entreprise. L’évaluation de l’aptitude, qui constitue une des tâches centrales de la médecine du travail peut devenir alors une tâche ventilée, déléguée non seulement à la fonction RH ou à l’encadrement mais à l’ensemble du milieu de travail, aux collègues comme aux organisations syndicales.

Dans la Police, une enquête de l’Inserm en 2010 a lancé l’alerte : le risque de suicide y est supérieur de 36% à celui du reste de la population. Au cours du premier semestre 2019, 43 suicides sont comptabilisés. Un plan de prévention du suicide est annoncé : une Cellule Alerte Prévention Suicide, ainsi qu’un numéro de téléphone dédié disponible 24h sur 24h, est installée fin avril 2019. Ces dispositions visent à « mieux répondre à l’urgence : mieux repérer les agents traversant une crise suicidaire ;
garantir un partage d’informations plus efficace entre les réseaux de soutien, notamment la médecine de prévention et la médecine statutaire ; mieux suivre et orienter les personnes en situation d’urgence ; soutenir plus efficacement les agents qui ont tenté de se suicider
[…] » (Ministère de l’Intérieur, 2019). 82 psychologues, répartis sur l’ensemble du territoire, composent le service de soutien psychologique opérationnel pour les policiers.

Il n’est pas question de l’intensification du travail, des horaires de travail, de la dégradation des conditions de travail, de l’instrumentalisation de la police par le pouvoir politique, de l’éloignement de la ligne hiérarchique du travail réel, du manque de dialogue social, du défaut de construction et transmission du métier, du développement de l’isolement et de la solitude au travail, du poids des valeurs viriles qui confondent l’expression d’une difficulté quelconque avec un aveu de faiblesse qui peut rendre celui qui s’en rend coupable « inapte » à l’exercice du métier.

 

Contextualiser le phénomène : les transformations du travail

 

Le recours à l’explication par la vulnérabilité ou fragilité personnelle est directement connecté à l’individualisation, mouvement de transformation globale des systèmes de relations dans la société moderne et post-moderne et au management des subjectivités valorisant autonomie, responsabilité, décision, action. A chacun de devenir l’entrepreneur de soi-même.

Cette individualisation, sur fond d’idéal d’accomplissement personnel, fabrique une combinaison de responsabilisation et d’insécurisation. Ce qui masque ainsi, tout à la fois, le travail et les inégalités sociales, alors que de profondes transformations du travail érodent les socialisations, les appartenances et les ressources collectives. L’individualisation fabrique isolément, solitude et méconnaissance des effets du travail sur la santé, par le jeu combiné de la précarisation de l’emploi et du travail et de l’intensification du travail.

La précarisation de l’emploi, par la réduction des CDI, le développement des CDD, du travail intérimaire, de la flexibilité externe, de la sous-traitance… contraint à renouveler indéfiniment le travail d’emplacement et de construction du « faire ensemble ». La précarisation du travail, par la promotion de la polyvalence, de la mobilité géographique et professionnelle, la multiplication des réorganisations internes, l’accélération du turn-over de l’encadrement… complique, elle aussi, la construction des collectifs de travail et des appartenances de métiers. Ces diverses formes de précarisation sont des freins au « faire équipe »[3],
à la coopération, au travail collectif de réorganisation du travail prescrit, à l’anticipation favorisée par la mise en commun des expériences, à la prévention de la souffrance au travail par répartition de la charge de travail et la gestion collective de l’efficience dans les manières de faire.

L’isolement est encore favorisé par l’intensification du travail qui implique accélération et réduction des marges de manœuvre : elle réduit les temps d’échanges sur le travail, l’entre-aide pour soutenir les difficultés et épreuves du travail au quotidien. Chacun se débrouille comme il peut. Les repères communs permettant de définir un travail bien fait s’effacent, entraînant la montée des conflits interpersonnels ou des tensions opposant intérimaires et travailleurs stables, jeunes et anciens, autour d’approches différentes du travail. Tenir dans ces conditions suppose d’être en pleine possession de ses moyens. Mais quand un élément de charge supplémentaire (décisions organisationnelles ou évènements dans la vie privée) vient rendre la situation insoutenable, le basculement dans la maladie sera bien souvent interprété comme révélant une fragilité, des problèmes
« personnels ».

L’individualisation de la GRH vient encore ajouter sa pierre à ces évolutions : effacement des qualifications au profit des compétences, individualisation des horaires de travail, des salaires, des carrières, des objectifs à atteindre, de l’évaluation du travail. En écho, on observe une évolution des pratiques syndicales vers un syndicalisme de services privilégiant un soutien individuel à des demandes personnelles (de mutation, promotion, logement, formation, ou lors d’inaptitude au poste, de conflit avec l’encadrement…).

L’accroissement des exigences, combiné à la réduction des ressources permettant d’y faire face, fabrique de l’usure prématurée et une dégradation de l’employabilité de la main-d’œuvre. Elle favorise toujours une individualisation des questions de santé. Il s’agit là d’un des effets de ces évolutions du travail qui rendent déterminantes aujourd’hui les ressources stratégiques personnelles en matière de préservation-développement de sa santé. Les liens santé-travail sont moins massifs simultanément et il est, dès lors, tentant de recourir à l’identification de caractéristiques personnelles qui rendent les intéressés susceptibles de « problèmes de santé ». Cette dispersion des signes d’altération de la santé favorise ce coup de prestidigitation qui escamote le social et met le projecteur sur « les vulnérabilités individuelles ».

 

A quoi sert cette focalisation sur la vulnérabilité individuelle ?

 

Si cette tendance se développe et semble séduire tout un chacun (car nous y avons tous recours alors même que nous pouvons la dénoncer par ailleurs), c’est bien parce qu’elle assure un certain nombre de fonctions essentielles.

 

Attribution causale et responsabilisation

 

Au travail, le contrat de subordination implique la responsabilité de l’employeur en matière de sécurité et santé. Aussi l’identification des liens entre santé et travail est l’objet de tensions et résistances multiples. Car la question de la responsabilité, et donc des causes, oriente les décisions et actions, tant en matière de réparation que de prévention. Le récent procès de France Télécom en donne une illustration paradigmatique : ce procès oppose parties civiles (39 cas, dont 19 suicides et 12 tentatives, sont présentés et étudiés) et prévenus, des dirigeants de cette entreprise qui sont accusés de harcèlement. En 2006, la direction s’était engagée à faire partir 22 000 employés en trois ans, sur un total de 120 000 (dont une majorité de fonctionnaires qui ne pouvaient donc pas être licenciés). Les départs devaient être « volontaires »,
« naturels », selon les prévenus. Ces ex-dirigeants ont, pour atteindre cet objectif, mis en place une politique de
« harcèlement moral » à grande échelle. Les multiples signes de la dégradation de la santé au travail comme les nombreuses alertes lancées à l’époque n’ont pas été entendus : il y a dix ans, comme aux dires des prévenus lors de ce procès au verdict attendu le 20 décembre 2019, ont prévalu le déni et la banalisation sous le prisme de « difficultés personnelles d’adaptation au travail ».

 

Différentialisme et discrimination

 

La catégorie de « personnes vulnérables », c’est-à-dire en difficulté dans l’exercice et leur relation au travail, sert essentiellement à fabriquer de l’altérité. L’entretien d’une image positive de soi, répondant aux attendus normatifs, passe par la projection sur d’autres personnes de traits, attributs, à valeur négative. Cette opération construit l’altérité et entretient la distance d’avec ceux qui porteront les stigmates ici de la déficience, fragilité, vulnérabilité, différentielles.

Cette division porte plus loin que l’hygiénisme qui l’accompagne : elle trace la voie d’un eugénisme, tendance récurrente dans l’histoire, qui est toujours au rendez-vous : il s’agit alors de classer, hiérarchiser et sélectionner des individus, ici, des salariés, suivant les critères valorisés, ceux de l’adaptabilité et de la performance. Aptes, performants, résilients face aux inaptes, déficients, vulnérables… Les dispositifs mis en place pour mesurer, évaluer, corriger « l’inadaptation »,
« les troubles psychosociaux » sont toujours exposés à l’ambiguïté de leurs objectifs comme des résultats obtenus. L’option retenue semble plus souvent celle qui consiste à « liquider » les salariés qui posent des problèmes plutôt que les problèmes que les salariés posent. Une des voies possibles de ce processus de
« liquidation », prend la forme de la chasse aux
« fragiles », dans la lignée de la classique catégorie des
« bras cassés », traditionnellement renvoyés aux dispositifs institués de traitement et recyclage des rebuts du monde du travail. Elle tient bien souvent lieu de programme de « prévention ».

 

Naturaliser pour légitimer

 

L’accent mis sur les traits personnels, qualifiants ou disqualifiants, justifie les destins heureux ou malheureux. Ainsi on peut attribuer aux qualités personnelles des managers la raison de leur position sociale. La réussite des « leaders » a pour pendant l’échec de ceux qui ne disposent pas des caractéristiques qui « font » le leader. Ce même diagnostic explique les difficultés rencontrées au travail par des défauts, carences, limitations personnelles. Une seule voie se dessine alors : le repli sur intériorité (introspection), alimentée par la pression à l’internalité (« trouvez en vous les causes de… »), devrait donner les clefs d’une transformation, correction de soi, pour plus de conformité à la performance attendue dans un monde du travail qui fait des défis et autres challenges l’alpha et l’oméga du développement personnel.

 

Eloge de la vulnérabilité

 

Dans un tel contexte, on peut comprendre le développement de postures et de stratégies de résistance : résistance à l’individualisation, à la psychologisation et la psychopathologisation, qui rabat l’origine des troubles ou des symptômes du côté de caractéristiques personnelles, privées, renvoyant à la structure de personnalité, à la vie extraprofessionnelle voire à l’histoire infantile. Résistance à la stigmatisation de ceux qui sont diagnostiqués « vulnérables ». Résistance encore à ces « politiques de santé au travail » qui se résument à des recommandations de « bonnes pratiques » alternant entre « veiller au port des protections individuelles » et « manger cinq fruits et légumes par jour », sans interroger les modalités d’organisation du travail. Résistance enfin à cette focalisation sur les « cas individuels » qui conduirait alors les revendications collectives au rayon des archives ou aux oubliettes.

La santé n’est pas réductible à une affaire privée, personnelle, à un état individuel à préserver. Elle est bien le produit du travail de santé. Ce travail de santé s’inscrit dans une activité collective. Parce que l’activité individuelle convoque toujours autrui, la santé est une production collective. Et quand autrui se dérobe à ce travail de santé, quand les autres font défaut, l’usure gagne et la dégradation s’accélère. Mais elle suppose que les autres en question reconnaissent les individualités et donc les différences. L’incitation à taire ses difficultés, professionnelles comme privées, dans un contexte caractérisé par une augmentation massive des processus de compétition et de sélection est forte. La figure imaginaire du « héros de travail » (ou du
« héros syndical » ?) s’accompagne d’un déni du réel, de ce qui résiste au projet d’action, déni de l’inconnu, de la fragilité, de l’impuissance et de la perte. Et chacun peut alors se faire complice de cette vision duale opposant les « bons pour le service » et les « fragiles ».

Les services de santé au travail, comme les services sociaux des entreprises et des administrations, connaissent un même dilemme qui se radicalise aujourd’hui : comment accompagner sans nuire, traiter ou faire traiter des « problèmes » sans signaler des personnes, sans les exposer au stigmate, tout en agissant pour la transformation de situations de travail ? Les délégués du personnel comme les syndicalistes sont confrontés à cette même contradiction entre demandes individuelles et actions collectives. Et les consultants, intervenants massivement convoqués aujourd’hui sur ce vaste chantier des « RPS », reproduisent la même controverse : répondre aux demandes d’accompagnement individuel / récuser ces dispositifs au profit d’un travail en collectif sur le soin à apporter au travail et non aux individus. La radicalisation de ces postures pourrait bien s’avérer contre-productive si elle renvoie les « demandes individuelles » au registre de la clandestinité ou à la sous-traitance à du thérapeutique « délocalisé » (entendre traitement de « problèmes psy » délestés de la question du travail).

La reconnaissance de l’épaisseur des singularités individuelles, des interdépendances des différents domaines de vie, professionnels et extra-professionnels, dans lesquelles nous sommes tous engagés, des histoires de vie non réductibles à l’ici et maintenant de la situation de travail, peut être au service du soin de la vie au travail. A contrario, l’omerta sur l’individuel, le singulier renvoie chacun à la solitude dans l’expérience inéluctable de la fragilité humaine. La revendication de la reconnaissance d’une humanité aujourd’hui occultée dans le monde du travail passe par un éloge de la vulnérabilité, celle que nous avons en partage et qui nous préserve d’une réduction à la fonction de « ressources humaines ».

[1] D. Lhuilier « Quelle reconnaissance des vulnérabilités au travail ? », Perspectives interdisciplinaires sur le travail et la santé 19-1, 2017,
http://journals.openedition.org/pistes/4942 ; DOI : 10.4000/pistes.4942

[2] C. Veil, Vulnérabilités au travail, Eres, 2012.

[3] G. Amado, P. Fustier, Faire équipe, Eres, 2019.